Révolutionner le cinéma

Mardi 18 février, l’association Hf Bretagne, Clair Obscur et le Théâtre National de Bretagne, organisaient dans le cadre du festival Travelling, une conférence intitulée La représentation des femmes au cinéma et sur les écrans : pour en finir avec les clichés. Joëlle Gayot, journaliste et collaboratrice au TNB recevait Iris Brey, autrice et spécialiste de la représentation du genre au cinéma et dans les séries télévisées.

« Enceinte, j’ai voulu voir des films qui mettaient en scène l’accouchement, je n’ai trouvé que Alien ! », lance Iris Brey devant un public venu en nombre assister à la conférence. Si c’est avec humour que l’autrice aborde l’invisibilisation des femmes au cinéma, le sujet n’en demeure pas moins grave. Car, comme le rappelle la chercheuse «  ce qui n’existe pas n’a pas de valeur ». Et dans le septième art, le regard féminin, justement, n’existe pas.

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En 1975, Laura Mulvey, chercheuse et réalisatrice anglaise, développe le concept de Male Gaze : sur les écrans, les femmes sont filmées comme des objets regardés par des hommes. Les corps féminins sont chosifiés, morcelés. « Or, analyse Iris Brey, le regard de la caméra est un relai du regard du héros auquel le spectateur s’identifie. Je regardais des films mais ne ressentais jamais ce que le personnage principal traversait. Même s’il s’agissait d’une héroïne, je percevais une distance, le personnage féminin était fétichisé. » Pour l’autrice de Le Regard féminin – Une révolution à l’écran, il s’agit donc de développer un autre imaginaire, de réinventer une grammaire cinématographique non calquée sur un rapport de domination. « Dans le septième art, les rapports de dominations sont omniprésents : dans la diégèse, entre les acteurs, entre le spectateur et le réalisateur. »

Le cinéma est-il structurellement machiste ? Si le mouvement #metoo a permis une certaine libération de la parole que penser d’une filière gangrenée par les récits de viols et d’agressions sexuelles dont les auteurs, pourtant, continuent d’être célébrés ? «  La prise de parole des femmes ne fait que commencer mais elle n’est pas entendue. Les victimes de Polanski, on ne connait pas leur nom. Cette parole, elle n’est pas accueillie », insiste Iris Brey soulignant la violence de cet aveuglement. «  Les réseaux sociaux permettent de rendre visible ces récits mais quand aucun récit de fiction ne raconte cela, c’est une pandémie, il faut créer des espaces dans nos imaginaires ! » Autrement dit, se libérer de cet héritage, s’émanciper d’une culture qui a appris à désirer à travers la domination : combattre le Male Gaze et encourager le Female Gaze.

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« Le Female Gaze ne doit pas se construire en opposition au Male Gaze : il ne s’agit pas de filmer les corps masculins comme des objets, mais au contraire, de filmer les corps à égalité et de réfléchir à une nouvelle grammaire érotique, à une nouvelle manière de filmer le désir », préconise la chercheuse qui aspire aussi à une réinvention de l’enseignement : « Je parle d’un point de vue privilégié, j’ai eu accès à un enseignement incroyable et pourtant les œuvres de femmes ne m’ont que trop rarement été montrées. Donc, oui, en tant qu’enseignante, je fais le choix de présenter à mes étudiant.e.s un corpus égalitaire composé de 50% de réalisatrices et d’autant de réalisateurs. » Dans les amphithéâtres où elle intervient c’est donc Alice Guy plutôt que les frères Lumières, Agnès Varda plutôt que Abdelatif Kechiche, Céline Sciamma et Leos Caras plutôt que Roman Polanski et Luc Besson. « Je bannis de mon corpus les auteurs accusés d’agressions sexuelles. Et si cela m’oblige à mettre de côté des films que j’aime, ce n’est jamais un sacrifice, mais plutôt un mouvement joyeux qui me permet de découvrir d’autres œuvres, d’autres artistes. »

Un mouvement joyeux, profitable à tous et toutes et dont le septième art n’en sortira que grandi car comme le rappelle Iris Brey, «c’est en déconstruisant et décolonisant nos imaginaires qu’on réalise des œuvres révolutionnaires ! ».

Elodie Gabillard

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