Avec le soutien de Rennes Technopole et pour la plus grande satisfaction de Saint-Malo agglomération, la pépinière d’entreprises Odyssée sise sur le site de l’Atalante à St Malo accueille depuis mai dernier un tout nouveau studio d’animation. o2o vient encore enrichir l’offre bretonne déjà très importante et reconnue pour être à la pointe en ce domaine.
Quand un autodidacte devenu un spécialiste de l’animation a le mal du pays, le dit pays se félicite de l’attrait qu’il découvre exercer encore et il a raison ! Laurent Paqueteau revient et embarque avec lui son vieil ami d’enfance, Christophe Caous : les voici à la tête de o2o, un studio d’animation qui a le vent en poupe avant même d’avoir levé les voiles ! Le compère de l’enfant du pays et directeur général de la société revient sur les débuts de cette singulière aventure.
– Commençons par le commencement si vous le voulez bien : d’où vient ce nom, o2o Studio ?
Christophe Caous : C’est d’abord lié à notre ancrage sur le territoire, une histoire de partage des o ! À Saint-Malo, il y a 2 eaux : la Manche, et la Rance, très importante pour mon associé Laurent Paqueteau qui a passé son adolescence sur ses bords, à La Richardais. Et nous envisageons de créer un logo en 3D qu’il fallait pouvoir animer, ce qui sera le cas avec ces 2 o comme deux yeux ronds.
– o2o Studio, ce sont les retrouvailles de deux amis d’enfance dans leur ville d’origine. Une belle histoire pour commencer. Pouvez-vous nous la raconter ?
Tout commence avec Laurent Paqueteau. C’est un autodidacte dans l’animation qui, depuis ses débuts chez Pipibox (1) dans les années 90, a travaillé sur plein de projets, avec une multitude de gens. Après Saint-Malo, il a intégré plusieurs studios à Angoulême avant de partir au Canada, puis de revenir en Europe par la Belgique et de s’arrêter au Luxembourg, à Fabrique d’Images, dont il est le directeur depuis 2009. Il s’occupe des studios et de l’éclatement des budgets. Il a souvent rencontré des difficultés à harmoniser les procédés de fabrication, pas toujours optimisés avec des studios étrangers, notamment français. L’envie de créer sa propre structure a commencé à germer il y a de cela 3 ans.
Saint-Malo Agglomération a suivi, avec force enthousiasme ! Nous avons reçu un soutien conséquent de leur part en moyens techniques et logistiques, avant même d’avoir signé notre premier contrat !
– Et vous, l’ami retrouvé, quand rentrez-vous dans le projet ?
Je suis associé au projet depuis deux ans. J’étais directeur de salles à Dinard et à Dinan. J’ai passé 25 ans dans l’exploitation et je cherchais autre chose à faire depuis un moment. Laurent m’a parlé du projet, ça s’est fait très naturellement.
L’animation n’est pas un monde qui m’est étranger. Je visionnais énormément de films d’animation pour les dispositifs Cinécole et École et cinéma, c’était une grosse partie de mon travail.
J’ai passé toutes mes vacances à Fabrique d’Images, du temps avec les équipes là-bas, à découvrir chaque métier, à discuter avec les artistes de leur univers à chacun, si personnel. Je ne suis pas créatif dans le studio, je m’occupe avant tout de la gestion administrative, financière et humaine. J’ai un regard sur le travail final, mais c’est Vianney Thomas, notre responsable d’équipe et seul permanent pour l’instant, qui s’occupe de toute la partie fabrication de l’animation. Il a un regard très affûté et je me repose beaucoup sur lui, tandis que je me concentre sur un rythme plus global d’animation. C’est également Vianney qui se charge du recrutement des animateurs.
Et pendant ce temps, Laurent cherche de nouveaux projets, quand il n’est pas à son poste de directeur au Luxembourg !
– De quels soutiens avez-vous bénéficié ?
Notre entreprise est soutenue par Emergys, un dispositif de Rennes Technopole. Saint-Malo Agglomération, la CCI et Saint-Malo Entreprise nous ont gratifiés du Prix Innovation digitale et usages du numérique, doté de 20 000 euros dans le cadre du concours Étonnants Créateurs. Rennes Atalante nous apporte également son soutien. Nos premiers clients, Bayard Jeunesse Animation, sont aussi nos partenaires privilégiés pour démarrer ; et c’est tout. Le temps est venu pour nous de chercher d’autres partenaires, notamment bancaires… Nous aurons une quinzaine de personnes dans l’équipe avant la fin mars, ça coûte cher en matériel. Et pour juillet 2016, nous devrions démarrer un autre projet d’envergure avec Bayard (2), la première saison d’une série en 3D, Petit Ours Brun, ce qui nous obligera à au moins doubler nos effectifs et à racheter de l’équipement. Il faudra de l’argent !
Si l’on élargit l’acception du terme, le groupe Bayard est lui aussi un soutien. Le groupe nous a fait une avance pour pouvoir démarrer la fabrication de la saison 2 de Polo, et investir en matériel. Laurent les connaissait déjà car Bayard est entré au capital de Fabrique d’Images ; Fabrique d’Images est de son côté au capital d’o2o.
– Bayard Jeunesse Animation est donc votre principal client. Comment vous êtes-vous vus confier la fabrication de la deuxième saison de Polo ?
Ce projet et le groupe qui le porte sont connectés à tout ce qui accompagne la création de o2o, comme ils sont liés à Fabrique d’Images, tout cela est intriqué. Sans Polo, nous n’aurions d’ailleurs pas pu démarrer aussi tôt. Vianney vient de Fabrique d’Images où il a travaillé sur la saison 1 et il n’a pas attendu l’ouverture du studio pour nous rejoindre à Saint-Malo. Nous bénéficions par ricochet de l’association de Bayard à Fabrique d’Images, notamment sur cette licence qu’est devenue Polo.
Laurent étant fondateur de o2o et Fabrique d’Images étant le 3e actionnaire de la société, toute notre structure est copiée sur celle du Luxembourg, les procédures de travail calquées sur les leurs et nous utiliserons un logiciel commun de suivi de production. Ainsi, nous gagnons du temps, et en efficacité : quoi de plus convaincant ?
scène 31 de « LE JOUR OU POLO A VISITE L’ESPACE ». Extrait en cours de validation de l’animation par la réalisatrice, Caroline Ogier.
Copyright : Polo © Fabrique d’Images / Bayard Jeunesse Animation / Canal +
D’ailleurs, Bayard ne s’y trompe pas : comme je l’évoquais, nous attaquerons normalement cet été l’animation de la première saison de Petit Ours Brun. Nous aurons même un peu de création, des accessoires à dessiner. C’est une coproduction France-Luxembourg et ce devrait être signé sous peu.
Avoir la confiance de Bayard Jeunesse Animation nous permet d’assurer quelques productions. Mais il nous revient de diversifier notre clientèle. Avec un long-métrage pour le cinéma en négociation, d’autres séries à venir initiées par d’autres clients encore…
– À ce propos, Polo n’est pas exactement votre première réalisation. Qu’en est-il de l’adaptation des « Pandas » du regretté Tignous ?
Les Pandas, c’est très particulier. Thierry Garance, un ancien maquettiste de Charlie Hebdo, avait le projet d’adapter la BD de Tignous du vivant de l’auteur (3). La production avait joué de malchance et Thierry ne trouvait personne pour réaliser l’épisode 0 de sa série quand il nous a contactés. Il lui fallait pour le 4 janvier, avant l’anniversaire de la tuerie à Charlie, nous étions mi-décembre. Vianney a jugé que c’était possible, nous avons appelé l’animateur Philippe Martins en renfort, et Thierry habitant Plancoët, il était sur place pour dessiner à la demande. Nous avons gagné ce pari, mais nous ne réaliserons pas les prochains épisodes pour autant, car le studio belge qui avait le projet a obtenu un Tax Shelter. Nous sommes heureux néanmoins, le résultat est vraiment à la hauteur !
– Quels sont vos objectifs en termes de projets ? Le cinéma à l’horizon ? La production ?
Le cinéma d’animation, ça rentre dans un logique globale de développement. En termes d’images, le cinéma ça parle tout de suite aux gens. J’estime que c’est très important.
Actuellement, nous sommes prestataires uniquement. Nous répondons à des appels d’offres des producteurs et leur offrons un service de fabrication. Nous nous appuyons beaucoup sur notre partenariat avec Fabrique d’Images. Si nous faisons ce long-métrage d’animation (4), ce sera encore un peu grâce à eux puisqu’ils sont coproducteurs. Cela nous permettrait d’avoir des créatifs au sein du studio pour répondre à la demande locale concernant de petits films qu’on voudrait nous confier.
Quand on aura gagné assez d’argent, notre objectif est de pouvoir le réinvestir dans de la création, de l’écriture au montage final.
– Et en termes d’emplois ?
Actuellement nous sommes 8. Nous disposons d’un premier plateau de 18 personnes et d’un deuxième plateau équivalent pour une deuxième équipe. Nous avons prévu 30 à 40 personnes présentes à la fin de l’été, avec l’embauche d’un maximum de techniciens locaux.
Notre ambition est d’avoir une équipe permanente de 40 personnes au moins, capable de répondre tout de suite à n’importe quelle demande : animation 2D, 3D, séries, longs-métrages, jeux vidéos, publicités, livres enrichis, produits dérivés… Les statuts de la société ont été établis pour nous permettre de tout faire et nous ne nous en priverons pas ! Et parmi ces possibles, nous aimerions permettre aux personnes de notre équipe qui le souhaiteraient de développer les projets dont ils rêvent au sein du studio. Nous ne nous interdisons rien.
Propos recueillis par Gaell B. Lerays
(1) Studio d’animation malouin ayant cessé son activité.
(2) Encore en négociation.
(3) Pandas dans la brume, chez Glénat.
(4) Une coproduction européenne initiée par l’Allemagne.
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