Le beau bilan de la formation professionnelle 


En 2012, Films en Bretagne a ajouté une corde à son arc en devenant organisme de formation. Une nouvelle mission, financée par la Région, pour répondre aux nombreux besoins exprimés par les professionnels du cinéma et de l’audiovisuel. Baptisé du nom de code d’ATE, Action Territoriale Expérimentale, le dispositif est doublement vertueux : il permet de mettre en place des formations sur-mesure et les rend accessibles à des professionnels momentanément privés de leurs droits. Reconduit depuis 3 ans, il affiche un bilan très positif.

Citons tout d’abord quelques chiffres pour bien mesurer l’amplitude du programme. En trois ans, l’ATE a permis à 215 professionnels – tous métiers confondus – de suivre l’une (ou plusieurs) des 25 formations proposées par Films en Bretagne. Et si les producteurs, techniciens, réalisateurs ou comédiens ont été nombreux à postuler, c’est parce que les stages correspondaient exactement à leurs attentes. Pour bâtir le cursus, FeB a fait remonter les demandes sous forme de sondages. « Notre rôle est d’identifier les besoins et de les transformer en actions de formation. Nous sommes une sorte d’incubateur. Quitte, une fois le concept affiné, à le faire porter par un organisme déjà implanté en région », précise Céline Durand, directrice de FeB. Loin de vouloir marcher sur les plates-bandes des opérateurs existants, l’Union des professionnels les a pleinement associés à l’ATE. Ainsi, Le Groupe Ouest à Plounéour-Trez, Ty Films à Mellionnec ou Arwestud à Rennes sont entrés dans la danse. Ce dispositif cousu main allie souplesse et réactivité, ce qui n’est pas le lot commun des programmes de formations.

Mathieu Courtois parle d’un « gain de temps impressionnant ». Producteur chez Vivement Lundi !, il avait déjà eu l’occasion de monter des formations avec d’autres prestataires et la démarche s’était avérée beaucoup plus lourde. Cette fois-ci, tout s’est passé « très vite et très simplement ». L’idée émanait de la société de production qui avait besoin de former des animateurs à l’utilisation d’un logiciel spécifique pour la série Bienvenue à Bric-à-Broc d’Amandine Gallerand et Matthieu Chevallier, en cours de fabrication. Six techniciens étaient d’ores et déjà intéressés par le stage “Animation zéro papier avec Toon Boom Harmony’’, avec la certitude d’être recrutés à la sortie. « Chacun d’eux a cumulé au minimum 8 mois de contrats à l’issue de cette formation de 10 jours qui a été utile à cette série, mais qui pourra aussi servir à d’autres projets. »

Pour certains stages, les retombées en termes d’emploi ont donc été immédiates. Fin 2012, les initiations au doublage mises en place par FeB avec AGM Factory ont eu pour conséquence logique l’embauche de comédiens par le studio rennais. Caroline Bonis n’avait pas suivi cette formation mais elle a profité pleinement des suivantes. En 2014 et 2015, la comédienne a enchaîné trois stages : “De la scène à l’écran’’, “Passer un casting’’ et “Le comédien au micro’’. Depuis quelques années, elle s’était surtout consacrée aux planches et avait envie de se confronter à nouveau à la caméra. « Dans le contexte actuel, on a plutôt intérêt à savoir tout faire », souligne-t-elle. Au bilan, elle aura décroché plusieurs contrats : une voix off pour une publicité et 3 rôles dans des courts métrages et dans un film institutionnel. Arrivée en Bretagne il y a quatre ans, Caroline a aussi pu consolider son réseau professionnel. « On se sent un peu seule quand on débarque dans une région. Tout est à reconstruire. J’ai fait des rencontres lors de ces formations. Lorsque l’on côtoie des gens pendant deux semaines, on a le temps de faire connaissance. Je suis restée en contact avec certains et nous envisageons de monter des projets ensemble. »

Les stagiaires apprécient que ces stages les aient aussi aidés à compléter leur carnet d’adresse. Pour faciliter le “réseautage’’, Films en Bretagne a pris soin, quand c’était possible, « d’adosser les stages à des événements en rapport avec le contenu abordé ». Maud Brunet, chargée de mission “formation et transmission des savoirs’’, explique, par exemple, que “L’initiation à l’écriture d’une bible d’animation’’ s’est accrochée au Festival national d’animation de Bruz et que la formation “Direction de production’’ a eu lieu au moment d’un salon des prestataires organisé par Accueil des tournages en Bretagne.

Reprendre confiance

Comme Caroline Bonis, plusieurs stagiaires ont pu bénéficier d’un programme complet de formations. L’ATE comprend à la fois “un parcours métier’’ distinct pour les auteurs-réalisateurs, les techniciens, les comédiens et les producteurs ainsi que des sessions de formation. Une méthode conçue pour permettre une montée en compétences. La jeune réalisatrice et chef-opératrice Sarah Balounaick en a fait l’expérience. Elle a commencé par suivre la formation “Caméras grand capteur’’. « J’avais eu des propositions de tournage sur des films documentaires dont les réalisateurs avaient envie d’utiliser ces caméras grand capteur. Il fallait que je trouve le moyen de me former sérieusement. Le stage est vraiment tombé à pic ! ». Pendant la formation, Sarah et ses camarades s’intéressent à la lumière sans avoir le temps d’approfondir le sujet. Plusieurs d’entre eux demandent à participer au stage “Savoir éclairer un documentaire’’ qui est parfaitement complémentaire. Au bout du compte, Sarah a acquis des connaissances qu’elle a déjà mises en pratique et se sent plus en confiance.

Ce terme de confiance revient souvent dans les propos des stagiaires. C’est une des vertus des formations que de servir à regonfler les énergies tout en engrangeant de nouveaux savoir-faire. Actuellement directeur artistique du Festival du film insulaire de Groix qu’il quittera en 2016, Sylvain Marmugi prépare l’avenir. OPV de formation, mais ayant mis son métier entre parenthèses depuis sa prise de fonction au festival, il voulait se remettre le pied à l’étrier. Il a suivi le stage dédié à l’éclairage des films documentaires et celui consacré au “Steadicam’’. Et a eu la bonne surprise de recevoir deux propositions juste après. « L’un de nos formateurs, Emmanuel Loiseaux qui est cadreur steadicam et vit en Bretagne, nous avait prévenu qu’il y avait peu d’opérateurs dans la région et que nous aurions très vite des opportunités de travail ». Sylvain n’était pas disponible aux périodes proposées mais il a d’ores et déjà acheté un steadicam et continue à s’entraîner pour ne pas perdre la main.

Un outil structurant pour la filière
C’est un véritable laboratoire qui a été mis en place grâce au dispositif ATE. Certains stages comme “Dramaturgie et documentaire’’ ont été réédités trois fois et améliorés d’année en année car une expérimentation demande à se roder. Les stagiaires qui ont inauguré cette formation avaient unanimement estimé qu’elle était trop courte. Ce reproche concerne aussi d’autres stages et renseigne sur la qualité globale d’un dispositif qui génère l’envie d’un prolongement. L’auteur et réalisateur Cyril Andrès a participé à la troisième édition de “Dramaturgie et documentaire’’ qui se déroulait sur trois semaines. « Cette résidence qui m’a bousculé au bon sens du terme m’a aidé à avancer sur l’écriture de mon projet de film. J’ai pu clarifier mon point de vue grâce à un travail collectif que j’ai trouvé très porteur. » Le projet qui a reçu une aide de la Région Bretagne est aujourd’hui entré en production.

L’expérimentation s’est aussi progressivement ouverte sur l’extérieur. « Les formations s’adressent en majorité aux professionnels bretons mais, dans le cadre du conventionnement avec l’Afdas, quelques places peuvent être proposées à des stagiaires hors Bretagne, ce qui favorise la mixité des expériences et des réseaux professionnels », note Maud Brunet. Adeline Le Dantec a vécu la formation “Eurodoc-Produire en région’’ comme une belle opportunité de progresser dans son métier et d’étendre son réseau. Il s’agit du cas particulier d’un stage qui s’est greffé sur un label déjà reconnu, le réseau Eurodoc. Nîmes, La Rochelle, et pour finir, Vilnius : les 10 stagiaires dont 4 Bretons ont voyagé et se sont frottés à « des problématiques de fond, basées sur des études de cas ». La productrice complète : « Cette formation tombait pour moi à point nommé, alors que j’étais en train de créer ma propre société. Un métier comme le mien s’apprend surtout sur le tas et je sais que je vais devoir me former tout au long de ma vie professionnelle. Le stage a facilité les rencontres, y compris à l’international. Nous avons eu accès à la plupart des responsables des documentaires des chaînes européennes. »

Adeline souligne un des autres intérêts de l’ATE. « L’appui financier de la Région Bretagne a été précieux. Cette formation était coûteuse. Pas en regard de la qualité des contenus mais parce qu’elle était ancrée dans le durée et nécessitait des déplacements. Les stagiaires bretons étaient vraiment dans des conditions financières bien meilleures que ceux venant d’autres régions. » Le financement de l’ATE repose en effet sur la mixité. Les formations sont accessibles aux professionnels qui ont des droits de l’AFDAS ou d’un autre OPCA (Organisme paritaire collecteur agréé) mais aussi – et c’est un de ses principaux avantages – à ceux qui en sont momentanément privés. Mathieu Courtois renchérit : « Outre le fait que l’ATE permet de faire des formations à la carte, son aspect le plus positif, c’est justement cette ouverture aux personnes qui normalement ne devraient pas avoir accès à ces stages. Dans le domaine de l’animation, on peut trouver des gens bien formés ailleurs qu’en Bretagne, mais puisqu’on a ici des équipes talentueuses, autant les former pour l’avenir ! »

Les dernières sessions de l’ATE 2014-2015 vont s’achever en juillet prochain. Films en Bretagne s’apprête à renouveler le dispositif pour une année tant le taux de satisfaction des stagiaires – à la fois sur la qualité des contenus et des formateurs – est un plébiscite en faveur d’une reconduction. Inscrits dans le conventionnement triennal passé avec la Région, les stages de l’ATE 2015-2016 vont donc débuter en juin par le module “After effects en lien avec le cinéma d’animation – stop motion et 2D’’. En 2017, FeB espère obtenir une nouvelle fois les moyens financiers de prolonger une expérimentation qui a fait preuve de son utilité et de sa pertinence, et s’avère être un outil structurant pour la filière. Dans les métiers de l’audiovisuel et du cinéma, en permanente évolution, les besoins de formation sont constants et indispensables à l’émergence des nouvelles générations de professionnels.

Nathalie Marcault

A noter : parallèlement à l’ATE, Films en Bretagne propose depuis 2012 des séminaires de transmission de savoirs. Ces mini-formations, légères et accessibles à tous, sont aussi calées sur les demandes des professionnels. A ce jour, 22 séminaires ont eu lieu sur des sujets aussi divers que “L’initiation à l’économie des films’’, “Les enjeux de la post-production en animation’’, “La note d’intention du film documentaire’’, “Les films expérimentaux’’ ou encore “Les groupements d’employeurs culturels’’.