L’an dernier, la Bretagne a été – plus que jamais – une terre de cinéma : 48 fictions ont été tournées sur le territoire, dont 13 longs métrages, 28 courts métrages et 7 téléfilms et séries. Catherine Delalande, la responsable d’Accueil des Tournages en Bretagne (ATB), ne cache pas sa satisfaction face à ce beau bilan en se gardant de tout triomphalisme car cette activité est, par nature, cyclique.
Un coup d’œil dans le rétroviseur des statistiques suffit à s’en convaincre. L’année 2014 apparaît d’autant plus faste que 2013 avait été creuse avec seulement 30 tournages de fictions sur le sol breton. Et en remontant un peu plus loin dans le temps, on s’aperçoit que 2010 était à l’étiage alors que 2012 et ses 39 tournages affichaient une progression significative. Mais quoi qu’il en soit, sur les 10 dernières années, jamais le niveau de 2014 n’avait été atteint, ces 48 fictions ayant donné lieu à 561 jours de tournage.
Pas facile, pour autant, d’analyser avec certitude les raisons de cette “ruée” vers l’Ouest. Il y a, bien sûr, l’attirance pour les décors maritimes. « S’il n’y avait pas la mer en Bretagne, on perdrait au moins la moitié des tournages ! », s’amuse Catherine Delalande qui identifie trois causes principales au choix de poser sa caméra sur le territoire breton : « Ce qui prime, c’est soit l’aide du Conseil régional, soit le désir du réalisateur, soit l’existence d’un décor structurant. »
Et de citer quelques exemples, à l’appui. Benjamin Weill, le réalisateur du teen-movie West Coast avait dès le début annoncé la couleur à son producteur : il voulait tourner l’intégralité de son film dans la région. « Mais je ne sais pas pourquoi ni quel est son lien à la région », s’interroge Catherine Delalande. La motivation d’Edwin Baily, qui vit entre Brest et Batz, était plus évidente : « Il avait très envie de tourner son téléfilm Les Blessures de l’île à la maison ». Même affirmation pour Pascale Breton, ancienne étudiante à Rennes, dans le choix faire de l’Université de Rennes 2, le décor principal du long métrage Mémoire Vive.
Si Bernard Bellefroid a décidé de tourner une partie de Melody en Bretagne, c’est par souci de cohérence. « Dans son cas, c’était à la limite de l’hérésie d’un point de vue économique. Le projet avait obtenu des aides du Luxembourg et de la Belgique. Et .Mille et Une. Films, en tant que coproducteur, avait reçu l’aide de la Région. Le surcoût généré par le déplacement de l’équipe en Finistère et à Rennes mangeait presque la subvention régionale. Mais le réalisateur avait, en partie, développé son film au Groupe Ouest avec l’idée de tourner quelques scènes en Bretagne et il est allé au bout de sa démarche. » Même chose pour Marie Belhomme qui tenait à tourner Les chaises musicales, sa première fiction longue à Rennes, sa ville d’origine.
Denis Dercourt, pour En équilibre, et Marion Vernoux, pour Et ta sœur ?, ont, tous les deux, découvert ici le décor qu’ils cherchaient. Quant aux deux films à petits budgets Souffler plus fort que la mer de Marine Place et Les Désemparés de Julia Kowalski, ils avaient absolument besoin de l’aide d’une collectivité pour boucler leurs budgets. La subvention du Conseil régional a fait la différence.
L’emploi boosté
Bien doté, le fonds régional de subventionnement du cinéma attire les productions. C’est encore plus flagrant du côté des courts métrages. En 2014, ils ont totalisé 182 jours de tournages (257 pour les longs et 122 pour les séries et les téléfilms). La politique d’aide du Conseil général du Finistère – qui vient d’être reconduite à l’issue d’une forte mobilisation (lire ici) -, y a aussi fortement contribué : 14 courts métrages ont reçu une aide de cette collectivité. Plus de la moitié des fictions, quelle que soit leur durée, ont d’ailleurs élu domicile dans le Finistère. Pour Catherine Delalande, « il n’est pas très satisfaisant de constater que plus de 50 % des films sont tournés dans le Finistère. Notre rôle est de promouvoir l’intégralité du territoire ». Mais elle reconnaît que « si les productions sont facilement conquises par des lieux comme Locronan ou Quimper, elles choisissent plus rarement Fougères ou Redon qui sont pourtant des villes très intéressantes ».
La responsable d’ATB, dont l’équipe comprend aussi Emmanuelle Lohéac et Fanny Sabatier, est très attentive aux emplois générés. Aux producteurs et réalisateurs qui sollicitent ce service dont « la mission est au croisement de l’aménagement culturel et du développement économique », elle précise toujours qu’en termes de compétences, « on a ici tous les types de postes ». Elle se réjouit de constater « l’impact positif des tournages sur l’évolution de carrière de nombreux professionnels : des machinistes, électriciens, assistants à la mise en scène, régisseurs, directeurs de casting, etc., qui ont réussi à se faire rapidement un réseau et ont été recontactés par les productions ». Un exemple l’a particulièrement marquée : celui d’un jeune machiniste de 25 ans qui a décroché 14 tournages l’an dernier !
Cette progression de carrière est nettement moins sensible chez les comédiens à qui l’on confie toujours des rôles de seconde zone. « Il faudrait faire en sorte que l’essentiel de la distribution ne soit pas bouclée quand les productions entrent en contact avec nous. Mais c’est dur de faire changer les mentalités ! », se désole Catherine Delalande. Les comédiens bretonnants, déjà habitués à faire du doublage grâce à Dizale, sont ceux qui tirent le mieux leur épingle du jeu, surtout depuis l’implantation du studio AGM Factory à Rennes.
Faciliter l’embauche de techniciens et comédiens installés en Bretagne fait partie du rôle d’ATB auquel les productions s’adressent pour trouver des lieux et des collaborateurs. Pour cela, le service dispose de deux bases de données – décors et professionnels – qu’il faut mettre à jour fréquemment. Catherine Delalande passe une à deux heures par jour à inciter les professionnels à compléter leurs fiches et CV pour que leur expérience soit décrite de façon précise et attrayante. Un travail de titan qui porte ses fruits : la réalisatrice Josée Dayan a ainsi embauché 37 techniciens bretons sur son téléfilm Entre vents et marées.
Autre sujet de satisfaction : l’an dernier, sur les 192 sollicitations reçues par ATB, 95 ont débouché sur un tournage, soit près d’un contact sur deux. Un pourcentage encore plus important que les autres années, signe de la réactivité du service qui doit être en mesure de répondre très vite. « C’est une course permanente contre la montre ». ATB intervient parfois très en amont des tournages. « Pour un téléfilm en cours d’écriture qui pourrait se passer en forêt de Brocéliande, j’ai proposé à la production d’organiser un séjour sur place et de lui faire rencontrer des personnes-ressources qui pourraient l’aider tant au niveau artistique que logistique. » Et c’est aussi à la demande de Catherine Delalande que les bureaux d’accueil de tournage régionaux ont, depuis quelques années, accès au Salon des lieux de tournage qui a lieu chaque année à Paris. « C’est un rendez-vous très identifié qui était à l’origine réservé à la région parisienne. Cette année, j’en suis revenue avec deux projets de téléfilms. Quand ils seront plus avancés, j’organiserai des visites de lieux qui pourraient être intégrés au scénario. Il ne s’agit pas d’intervenir sur l’écriture, mais d’éviter aux productions de passer à côté de quelque chose ». En matière de tournage, l’anticipation peut faire gagner du temps et donc de l’argent…
Nathalie Marcault
Crédits photographiques :
Photo de Une : Sire Gauvain et le chevalier vert, court métrage de Martin Beilby. Produit par TFD Films. Copyright : Sei Ito.
Les Chaises musicales, premier long métrage de la rennaise Marie Belhomme avec Isabelle Carré. Produit par 31 Juin Films. Copyright ATB/CRTB.
An dianav a rog ac’hanon, court métrage de Avel Corre, avec Nolwenn Corbel, produit par Tita Productions. Copyright ATB/CRTB.
Les Châteaux de sable, long métrage d’Olivier Jahan avec Emma de Caunes. Le film, produit par Kizmar Films et Noodles Production, sort en salles de 1er avril.
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Lien(s) en relation avec ce sujet : Le site d’Accueil des tournages en Bretagne