20 bougies pour Paris-Brest Productions


Avec 77 films produits tous genres confondus, la société Paris-Brest Productions, créée par Marie Hélia et Olivier Bourbeillon, fête ses vingt ans. L’occasion de rencontrer un producteur atypique, qui navigue entre les eaux bretonnes et la Seine, avec une volonté affirmée de ne pas cliver les pratiques et les territoires.

C’est au moment du festival du film court de Brest, dont Olivier fût le cofondateur puis le directeur artistique pendant huit ans, que j’ai rencontré un homme qui n’entendait pas se raconter. Généreux dans l’échange, les réponses d’Olivier n’en n’étaient pas moins concises et ponctuées de questions adressées à celui qui l’interrogeait. Au premier abord, Olivier s’intéresse plus qu’il ne veut intéresser.
Pour autant, il aurait de quoi s’étendre sur 20 années de production à la tête de Paris-Brest, s’enorgueillir des films primés au catalogue ou sélectionnés dans quelque 200 festivals. Mais point de fanfaronnade. Pour lui, la décentralisation a justement quelques écueils regrettables qu’il voudrait éviter. « En région tout le monde se connaît et vouloir devenir le coq du village est un risque. » Olivier vit « cinq jours par mois à Paris » et passe le reste du temps à Brest : difficile donc de le taxer de parisianisme, tant il reste connecté à sa région.

Né à Dinan, puis installé à Brest dès l’âge de sept ans, c’est d’abord pour ses études de cinéma qu’il gagne la capitale. Une route qu’il ne cessera jamais d’emprunter, dans un sens comme dans l’autre, portant à l’écran, en tant que réalisateur puis producteur, des films sur le large comme des films ancrés sur le territoire et l’histoire bretonne. Les seuls films réalisés par Marie Hélia ou par Olivier et produits par Paris-Brest, traduisent bien ce mouvement des amarres.
Pour l’ici, on peut citer parmi d’autres les documentaires Les filles de la sardine et LAmoco de Marie Hélia, ou encore son long métrage de fiction Microclimat, tourné à Douarnenez. Il y a aussi BZH, des Bretons des Bretagnes, un documentaire coréalisé par Marie et Olivier sur la pluralité des mouvements militants bretons. Pour l’ailleurs, les films réalisés par Olivier comme Grand manège sur Claude Chabrol, ou Une vie en forme d’arête sur l’immortel Boris Vian, disent aussi quelque chose du goût du réalisateur/producteur pour les portraits d’artistes. « J’aime ceux capables de créer de toute pièce des univers nouveaux. »

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© Olivier Bourbeillon

 

Et c’est ce même regard admiratif qui s’anime chez le producteur lorsqu’il rencontre un réalisateur ou une réalisatrice et son histoire, en fiction comme en documentaire. « Il n’y a pas de réalité en tant que telle, mais que des manières de la mettre en scène », tranche-t-il avant de citer les réalisatrices Nadine Naous, Sylvia Guillet et Catherine Bernstein pour illustrer ces regards et ces écritures singulières qui le touchent. « J’ai produit de nombreux films de ces réalisatrices, mais il serait aussi juste de dire que je produis des personnes. Au final, ce sont évidemment les films qui comptent, et j’aime être en adéquation avec ce qui se raconte, mais la relation à l’auteur est primordiale », nuance Olivier, pour qui produire, c’est avant tout rencontrer. « J’existe grâce aux réalisateurs », déclare-t-il. Une gratitude qui n’empêche pas l’homme de se définir comme râleur et exigeant : « J’aime les choses bien écrites, le romanesque et l’humour...».

Avec plus de trente ans d’expérience – en 1989 Olivier fondait avec Alain Rocca la société Lazennec Bretagne – le producteur et réalisateur Olivier Bourbeillon, aux côtés de Marie Hélia qui se consacre davantage à la réalisation, dit devoir s’adapter à un monde en mutation. « Ce n’est pas tant le métier de producteur qui change que le monde qui évolue. Tout s’accélère, les réalisateurs sont pressés, les producteurs plus nombreux et les concurrences d’égo gagnent du terrain sur l’artistique. Il faut aller plus vite alors que la création demande du temps et de la maturité. À mon sens il faut des années avant de se confronter à un long métrage et certains par une espèce de frénésie de casino veulent brûler les étapes. » Un constat qui n’enlève rien à la passion d’Olivier, qui dit vouloir continuer tant qu’il y aura des choses à faire et dire, et tant qu’il y aura des manières de faire et de dire qui l’émerveilleront.

Yves Mimaut