Incontournable bastion du documentaire en Bretagne, Comptoir du Doc souffle cette semaine ses 20 bougies. Du mardi 12 au samedi 16 juin, l’association a proposé une programmation riche. Les spectateurs ont pu découvrir ou redécouvrir des films de tous formats et d’horizons divers. Le mot d’ordre de l’association ? Le collectif. A l’image de la soirée d’ouverture Enigmadoc qui s’est tenue ce mardi au bistrot qui l’a vu naître, c’est dans un mouvement convivial que Comptoir du Doc propose de bouger les lignes. Retour sur une démarche associative qui est aussi celle qui porte le documentaire : la Rencontre.
Croiser des regards singuliers
Tout commence par le désir fort de se retrouver, de discuter et d’échanger avec des auteurs autour de leurs films. En 1997, un an avant la création officielle de l’association, un petit groupe de professionnels passionnés se retrouve dans l’arrière salle du bar le Scaramouche, à Rennes. Ensemble, ils projettent en 16 mm le film de Jean-Louis Le Tacon, Cochon qui s’en dédit. La soirée est bien entendue ouverte au public. On regarde alors le film un verre à la main et une cigarette au bec. Les discussions sont vives, l’envie de débattre est là. L’histoire est lancée. Un jeudi par mois, une projection en présence d’un auteur ou d’un membre de l’équipe du film aura lieu dans ce même bar. « Nous voulions provoquer la rencontre et des échanges avec les publics pour partager avant tout. » précise Yvon Guillon, un des créateurs de l’association.
Comptoir du Doc était née !
20 ans plus tard, le petit groupe de passionnés s’est étoffé mais la démarche reste la même. Les œuvres présentées sont le plus souvent possible accompagnées par un professionnel ayant participé à sa création. L’idée est de pouvoir saisir la démarche d’un auteur, de capter son regard sur le monde et le chemin de son film, et de partager cette aventure avec le public. Voir ensemble et échanger collectivement pour questionner ses propres représentations, voilà le programme.
Aujourd’hui, en plus du Bistrorama qui a lieu les premiers jeudis de chaque mois, Comptoir du doc ne propose pas moins de 10 temps forts tout au long de l’année, et ce, sans compter les ateliers rencontres, de programmation, de réalisation menés au sein de son action culturelle. Depuis 1998, c’est presque un millier de films que l’association a diffusés, allant sans cesse à la rencontre des publics.
Le « goût du doc » à partager
En 2002, Comptoir du Doc a 4 ans, et il est temps pour l’association de faire ses premiers pas à l’extérieur. Célia Penfornis, coordinatrice de Comptoir, devient la première salariée de la structure. Le temps est au développement de partenariats. Les films vont pouvoir être montrés dans différents lieux, et ce, toute l’année. Au fil des rencontres, les grandes lignes des programmations se dessinent. C’est avec le réalisateur Ariel Nathan, aujourd’hui décédé, que naît Images de justice au Parlement de Bretagne. En 2006, c’est au tour des Champs Libres de voir le jour en proposant des films avec le Musée de Bretagne chaque dimanche. De même avec Docs au féminin, il s’agit de questionner les droits des femmes dans le monde contemporain avec la journée du 8 mars comme point d’orgue.
Au fil des années, cette ouverture vers l’extérieur est aussi nourrie de nouveaux regards. Adhérents et bénévoles rejoignent l’association en nombre ainsi que 8 chargés de programmation et 4 salariés. Et c’est bien grâce à leurs rencontres que les programmations et événements se développent. L’esprit du bar le Scaramouche n’est pas bien loin. Chaque film programmé est le fruit de discussions passionnées entre les adhérents lors de commissions. Les regards sont acérés et les échanges mouvementés ! C’est cet esprit critique autant que convivial qui semble construire la force de ce collectif. « Nous discutons le bout de gras si l’on peut dire ! Les discussions aident à se construire un regard, à élaborer une analyse. Nous rentrons dans le cinéma de manière critique et passionnée. C’est un processus très formateur et qui explique en partie mon engagement » explique Sylvie Koller, adhérente de la première heure.
Cette implication est collective et les différents adhérents de Comptoir du Doc se retrouvent dans une ambition commune : celle de partager avec le plus grand nombre le « goût du doc ».
Transmettre aux publics
« Aujourd’hui nous restons convaincus de l’intérêt du cinéma documentaire pour encourager le dialogue, susciter la curiosité et l’ouverture d’esprit, créer du lien social. » affirme l’édito des 20 ans de Comptoir. L’association a bien grandi et assume sa démarche d’éducation populaire. Elle défend l’idée d’initier des rencontres pour créer les « occasions de confronter, de questionner, de nourrir ses propres représentations. » Avec la programmation Des Histoires… par exemple, ce sont les habitants de différents quartiers de Rennes qui sont invités à proposer des films.
C’est en 2015 que Comptoir du Doc fête pleinement sa rencontre avec le public. L’association peut enfin accueillir les spectateurs chez elle, à La Parcheminerie. Les programmations nomades restent bien entendu au cœur de l’action de la structure mais un cap est passé. De nouveaux liens se créent au sein de ce lieu qui n’a rien perdu de la convivialité collective des débuts. Comptoir du Doc accueille les publics, propose des expositions, programme des films et des rencontres et permet d’avoir accès à 3000 films dans sa vidéothèque. Pendant trois ans, Comptoir assoie ses liens forts avec les publics. C’est d’ailleurs à la Parcheminerie que se clôturera cette semaine festive avec La Nuit du doc le vendredi 15 juin et le Bouquet Final du samedi 16 juin qui risque d’être dansant !
Chaque année, c’est donc une centaine de séances organisées, une vingtaine d’ateliers, des dizaines de cinéastes reçus, une soixantaines de lieux investis, des heures incalculables de discussions passionnées et environ 13 000 spectateurs rencontrés que portent Comptoir du doc. Cette semaine est l’occasion de rendre hommage au travail et aux rencontres de ces 20 dernières années.
Aujourd’hui, Comptoir est malheureusement contrainte de quitter La Parcheminerie, le bâtiment redevenant privé. Dans quelques mois, l’association se retrouvera donc sans lieu de vie. Bien que l’heure soit au questionnement concernant son installation future, une certitude persiste : celle de la générosité des professionnels, des adhérents et des bénévoles qui depuis 20 ans offrent aux publics une multiplicité des regards déroutante. L’heure est à la fête, joyeux anniversaire donc !
Clara-Luce Pueyo
En savoir plus :
www.comptoirdudoc.org
