Formation des producteurs/trices
ALEXANDRE CORNU Président d’Eurodoc– LES FILMS DU TAMBOUR DE SOIE – Marseille - Provence-Alpes-Côte d’Azur
J’ai suivi le premier cycle de « Produire en région » créé par Anne-Marie Luccioni et Jacques Bidou, cela a changé le cours de ma vie de producteur. « Produire en région » était ouvert aux producteurs français hors Île-de-France, dans les années 90, 95% de la production audiovisuelle et cinématographique était concentrée en Île-de-France, les sociétés de production en région qui travaillaient avec des chaînes nationales étaient extrêmement rares. Les centres de décisions étaient à Paris, les fonds d’aides en région se sont créés dans ces années-là. A partir de 2000, Anne-Marie Luccioni a arrêté la formation « Produire en région » pour créer « Eurodoc » avec des participants de différents pays d’Europe.
Participer à ce type de formation, c’est un accélérateur pour la société de production. En quelques mois, tu découvres tous les aspects du métier que tu apprendrais en plusieurs années d’expérience. Et cela te donne le réseau dont tu as besoin dans ce métier, des personnes que tu vas retrouver dans les différents marchés. Pour « Eurodoc », c’est la même démarche, d’aller à la rencontre des chaînes à l’international, c’est 55 sessions organisées dans 18 pays européens, un réseau de 950 professionnels, et beaucoup de films passés par « Eurodoc » sont primés.
En 2013, Anne-Marie Luccioni a proposé de refaire un cycle de formation « Produire en région », avec cette idée de défendre le documentaire de création. C’était une autre génération, avec les mêmes profils de producteurs, avec encore plus de difficultés, avec des grilles de programmes des chaînes encore plus contraintes, mais il y a aussi une énergie folle.
JEAN-LAURENT CSINIDIS – FILMS DE FORCE MAJEURE – Marseille – Provence-Alpes-Côte d’Azur
Je fais des formations quasiment depuis le tout début de mon parcours professionnel. J’ai commencé avec le « Film Marketing Workshop » de EAVE en 2010, puis « DocuRegio » en 2011, « LisbonDocs » en 2012… jusqu’à EP2C en 2014 et « EAVE Producers Workshop » en 2015. J’incite aussi fortement mes collaborateurs/trices, quitte à financer en partie les coûts : certain(e)s sont allé(e)s à Eurodoc, Groupe Ouest… Ces formations ne font pas que renforcer et développer des compétences ou un réseau, elles ouvrent l’esprit – et c’est à mon sens leur plus grande valeur. Je pense en particulier à EAVE, qui ouvre l’esprit sur le métier, sur le marché, mais aussi sur nous-mêmes, sur les raisons profondes qui nous poussent à faire ce métier. On en ressort plus fort, plus motivés, et plus capables – on a moins peur, donc on est moins stressés, moins agressifs, et plus efficaces.
Chaînes régionales
FRANCOIS FARELLACCI – Auteur - Corse/Île-de-France
En Corse, nous avons France 3 Corse Via Stella qui diffuse 21h par jour, donc la chaîne a besoin de contenus : du flux mais aussi du documentaire, des captations, du magazine. Le fait d’avoir un diffuseur très regardé dans la région, cela a développé fortement la filière audiovisuelle en Corse, le nombre de tournages s’est développé, et aujourd’hui il commence à y avoir une variété de techniciens mais aussi des producteurs et même des auteurs. Le rôle du diffuseur a été très important. C’est aussi grâce à nos aînés qui ont eu la volonté de faire du cinéma en Corse, et de stimuler la création du fonds d’aides… En tant qu’auteur, je pense que c’est un facteur de dynamisme.
JEAN-MICHEL LE GUENNEC – FRANCE 3 NORD-OUEST
La ligne éditoriale des France 3 Régions, c’est celle de France 3 : Découverte, Patrimoine, Histoire, Société… avec toujours un lien avec le territoire de l’antenne concernée. Le lien peut être géographique, historique, thématique, etc. Le lien n’est pas la localisation de la société de production, si le sujet nous intéresse, la société peut-être de l’extérieur de la région, on est là pour créer des ponts, pas pour ériger des murs.
Si je regarde l’évolution sur les 10 dernières années, les films mettent plus de temps à se faire, et il y a aussi plus de films qui ne voient pas le jour. Soit les producteurs n’ont pas bouclé leur plan de financement, soit la mise en œuvre est beaucoup plus longue qu’avant. Nous en signons autant mais tous ne voient pas le jour.
LAURENCE ANSQUER – TITA PRODUCTIONS – Marseille/Douarnenez - Provence-Alpes-Côte d’Azur / Bretagne
On peut toucher souvent jusqu’à 100 000 personnes avec une multidiffusion France 3 Régions. Nous travaillons avec les France 3 Régions en Bretagne en Paca en Corse.
THIERRY GAUTIER – TGA PRODUCTION – Tours – Centre-Val de Loire
Nous travaillons beaucoup avec France 3 Régions, nous proposons des dossiers en documentaire dans beaucoup de régions. Nous multiplions les pôles, mais le plus souvent c’est avec le pôle Nord Ouest, avec lequel nous produisons un magazine hebdomadaire. La nouveauté avec France 3, avec la création de la case documentaire du lundi soir, c’est qu’on peut penser qu’il n’y aura plus d’arguments pour refuser des œuvres moins faciles.
MARTINE VIDALENC – MARMITAFILMS – Bordeaux - Aquitaine
Nous travaillons beaucoup avec le Pôle Sud Ouest de France 3 Régions. Les délégués régionaux sont de vrais partenaires de création, des interlocuteurs attentifs et engagés avec qui nous prenons énormément de plaisir à réfléchir des projets. De la même façon que lorsque nous travaillons avec les chaînes locales, c’est avant tout la qualité de la relation humaine avec le diffuseur qui détermine notre envie de co-construire un projet.
SERGE LALOU – LES FILMS D’ICI – Paris/Montpellier – Île-de-France/Languedoc-Roussillon
De vraies chaînes régionales, c’est l’exemple de l’Allemagne ou de la Catalogne, de vraies chaînes avec des budgets cohérents et avec des COM qui garantissent la création. C’est une politique qui pourrait être différente par région, nous, sur le grand sud, nous pourrions avoir une chaîne tournée vers la Méditerranée qui permette de spécialiser un tissu de producteurs dans la coproduction méditerranéenne. Je ne suis pas sûr que tous les producteurs puissent être en concurrence sur tout le territoire, il faut qu’il y ait des endroits de spécialisation et des couleurs de chaîne. Si on veut des vraies grandes régions, il faut décentraliser.
Chaînes locales
DANIELA DE FELICE – Auteure – Caen – Basse-Normandie
Les films documentaires de création sont produits comme de la mauvaise herbe entre le trottoir et la chaussée, ils sont de plus en plus difficiles à faire. Nous avons travaillé avec Bip TV, TV Tours, et autrefois Cityzen TV. Le cinéma s'est enrichi avec ces films qui se font à la marge d'un système de production formaté. Mais j’ai peur que cette liberté de création soit de plus en plus remise en cause, les télévisions publiques ne financent pas ou peu le documentaire de création. Avec la décision du CNC de s’attaquer aux télévisions locales, nous venons de vivre un an de crise et la plupart d’entre nous n’ont pas eu les reins assez solides pour passer cette épreuve. Dans les régions où il y avait des COM, il y a eu moins de casse qu’ailleurs. De très nombreux films primés au festival Cinéma du Réel et dans d'autres grands festivals, depuis 10 ans, ont été coproduits avec des télévisions locales. C’est le lieu d'une production audacieuse, de recherche, ce sont des gens qui prennent des risques… C’est TV Tours, BIP TV, TV Rennes, Vosges TV, des chaînes qui n’ont hélas pas accès à la redevance audiovisuelle.
DOMINIQUE RENAULD – VOSGES TELEVISION
Dans la mesure où nous revendiquons en tant que télévisions locales, d’être une des composantes du paysage audiovisuel français, cela nous donne des « devoirs ». Nous devons apporter notre soutien à la construction et au développement de documentaires de création. Il y a un côté militant, un peu laboratoire. A Vosges Télévision, les choix éditoriaux ne tiennent pas toujours compte de notre zone de diffusion. Cela fait partie des missions de la chaîne, les choix ne se font pas par rapport à l’audience et il y a quelque fois des films « difficiles ». Nous avons une case hebdomadaire pour ces documentaires de création, qui s’appelle « le monde comme il va ». Nous avons aussi des cases plus « découverte ».
LUC MARTIN-GOUSSET – La PROCIREP
Les télévisions locales sont aujourd’hui, un des lieux privilégiés pour les films non formatés. Si je regarde sur 8 ans (depuis que je suis à la PROCIREP), le nombre de coups de coeur (c'est à dire de films emportant l'enthousiasme du trinôme qui le présente) a diminué et le plus souvent ceux-ci sont suscités par des films préachetés par des chaînes locales plus que par des chaînes nationales. Toute réforme des règles doit tenir compte que les télévisions locales sont un lieu de créativité. Si la réforme contribue à tarir leur capacité à être éligible au CNC ou à la PROCIREP, ce sera forcément moins de films non formatés possibles. Ceci étant un minimum de transparence est nécessaire sur ces critères. Si on exige plus de transparence sans bouger la règle du pourcentage d’apport diffuseur, c’est contradictoire.
RAPHAEL PILLOSIO – L’ATELIER DOCUMENTAIRE – Bordeaux - Aquitaine
Nous souhaitons continuer à travailler avec des chaînes locales. Avant la campagne de "transparence" du CNC, il y avait 6 à 8 millions d'euros du CNC qui allaient sur des documentaires coproduits avec des chaînes locales. Il faut à tout prix préserver ce volume, car cela permet à beaucoup de documentaires d’exister : des premiers films, des films hors formats, des essais... Les chaînes locales ne sont pas subventionnées au niveau national alors qu’il existe un fonds (26 millions d'euros) qui soutient les radios locales parce qu’elles exercent des missions de service public. Pourquoi ne pas envisager un mécanisme équivalent avec les télévisions locales dont une partie significative pourrait être réinjectée dans la coproduction et la diffusion de films documentaires ? Nous espérons aussi que le projet Tënk réussira son pari et pourra offrir une autre alternative à la production et à la diffusion de la création documentaire.
JEAN-MARIE BARBE – ARDÈCHE IMAGES PRODUCTION, TËNK – Lussas – Rhône-Alpes
Nous sommes dans une phase de basculement. Il y avait environ 250 ou 300 films de création coproduits avec les télévisions locales, depuis la décision du CNC sur la transparence, cette année en 2016, il n’y en aura que 150. Donc, il y a au moins une centaine de films qui n’ont pas été faits et beaucoup d’entre eux concernent des sociétés de production en région. La deuxième conséquence, c’est qu’il y a un certain nombre de structures très liées aux télévisions locales ou à France 3 Régions qui sont fragilisées voire qui ont fermé en région.
DOMINIQUE RENAULD – UNION DES TÉLÉVISIONS LOCALES DE SERVICE PUBLIC
Avec la modification annoncée du seuil d’intensité d’aide publique pour les films « difficiles », on va cesser de pénaliser les producteurs qui allaient chercher d’autres sources de financements mais qui du fait du seuil de 50% d’argent public, étaient obligés de demander aux chaînes d’augmenter leur apport en industrie. Ces décisions quand elles seront effectives vont permettre de mettre en place un fonctionnement plus vertueux.
Politiques territoriales
JEAN-FRANÇOIS LE CORRE – VIVEMENT LUNDI ! – Rennes - Bretagne
Ce qui a été fondamental, en termes de structuration et de maturation politique de la filière bretonne, c’est toute l’année de négociation autour du nouveau COM de la région Bretagne. On est quand même dans un pays où on nous parle en permanence de co-construction, de partenariat gagnant-gagnant entre le politique et les acteurs, et je crois que c’est la première fois depuis plus de 20 ans que je suis dans ce secteur, où pendant une année j’ai eu vraiment le sentiment qu’on était dans cette forme de co-construction d’une nouvelle étape du développement de la filière audiovisuelle et cinématographique en Bretagne. Le politique a réuni autour de la table les représentants des professionnels et tous les diffuseurs, que ce soit des WebTV, les télévisions locales, France 3 Bretagne, et un webmedia qui était en gestation, Breizh créative devenue Kub. Un an de négociation qui a abouti à un projet commun cosigné par l’ensemble des parties. Cette négociation autour du COM me semble avoir eu un aspect particulièrement novateur. Réunir tous ces acteurs dans une forme de dialogue, c’est reproduire au niveau régional des processus de négociation interprofessionnelle comme il en existe au niveau national. Je trouve ça très sain, ça permet notamment aux uns et aux autres de mieux connaître leurs pratiques respectives. Car contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas parce que les chaînes régionales sont des chaînes de proximité pour les producteurs avec lesquelles elles négocient, qu’elles connaissent bien notre manière de travailler. Donc, ça permet d’avancer. Quand j’entends dire qu’il n’y a pas eu « du tout » de décentralisation de l’audiovisuel, que les choses ne bougent pas, je rappelle toujours qu’en 1992, quand j’ai commencé à travailler dans la production, en Bretagne il y avait une seule société de production qui produisait des programmes de stock pour la télévision. Il y avait deux chaînes de télé : FR3 et TV Rennes. Aujourd’hui, il y a plus de trente sociétés de production audiovisuelle recensées pour la Région Bretagne, 4 chaînes TNT et plusieurs web TV. Il y a eu une évolution, des choses qui ont bougé.
JEAN-LAURENT CSINIDIS – FILMS DE FORCE MAJEURE – Marseille – Provence-Alpes-Côte d’Azur
Bien qu’elle ait bénéficié d’une action dynamique et structurante de la part du service cinéma de la Région pendant 10 ans, la Région PACA reste un territoire compliqué. Au niveau du secteur lui-même d’abord, il n’y a quasiment rien de collectif. C’est un peu sclérosé. On essaie de changer ça en ce moment à travers la création d’une plateforme réunissant auteurs-réalisateurs, producteurs, distributeurs, festivals et exploitants – mais ça prend du temps… Il y a une sorte de méfiance. Il n’y a pas vraiment une culture de rassemblement, de mutualisation. Du coup on est rarement force de proposition, et encore moins en position de force pour interpeller nos interlocuteurs locaux : il faudrait pour cela communiquer, se rejoindre sur certains points, se fédérer. C’est devenu encore plus nécessaire qu’avant car on tremble un peu quand on voit comment les choses se passent pour le service cinéma de la Région PACA depuis quelques mois. On n’est pas sûr de comprendre, on est dans un état d’incertitude généralisée, il est devenu quasiment impossible de se projeter dans l’avenir… Or pour avoir une stratégie, c’est indispensable. Peut-être est-ce dû à un problème de communication, mais on ressent un manque d’intérêt de la part du politique, et plus encore, une absence de vision pour le secteur. Par ailleurs ici il y a un peu une fracture entre les mondes de la culture et de l’économie, alors que moi je me sens un pied dans chaque monde.
En PACA, il faudrait renforcer les aides au développement, ça manque terriblement : pour avoir des projets solides artistiquement et économiquement, il faut du temps de développement, ce qui demande des moyens. Ce n’est pas simplement un enjeu de qualité, c’est une question de qualité d’investissement : à quoi bon investir l’enveloppe production dans des projets bancals du fait de n’avoir pas assez été développés ? Après c’est un cercle vicieux : il faudrait plus de contrôle, donc plus de moyens au niveau du service cinéma, etc. Et pourtant on a l’impression qu’il ne manque pas grand’ chose pour que le cercle devienne vertueux. Ce qui se passe actuellement autour de la Boucle documentaire incite les acteurs à se rencontrer, nous voyons bien qu’ailleurs c’est différent et que ça marche, donc on se dit pourquoi pas chez nous ? C’est vraiment le bénéfice des rencontres interrégionales.
JEAN-CHRISTOPHE VICTOR – Auteur – Marseille –Provence-Alpes-Côte d’Azur
L’association des auteurs (AARSE) en PACA, souhaiterait le renforcement du soutien au développement de projets, et que l’aide à l’écriture profite directement aux auteurs et soit substantielle. Ce qui n’est plus le cas depuis début 2015. Pourtant, les aides à l’écriture sont essentielles. Elles nous permettent de consacrer plus de temps à nos projets, de convaincre des producteurs, et d’avoir un espace de liberté pour créer. Elles contribuent aussi à reconnaître la position centrale de l’auteur dans le parcours de production des films.
ESTELLE ROBIN YOU – LES FILMS DU BALIBARI – Nantes – Pays de la Loire
En Pays de la Loire, il faudrait un dispositif de soutien au développement économique des entreprises. Quand la Région apportait un soutien aux entreprises pour prendre en charge les frais pour se déplacer sur les festivals ou les marchés, cela a facilité la constitution d’un réseau nécessaire au développement de nos sociétés. Aujourd’hui cela n’existe plus chez nous, et je vois avec envie d’autres régions soutenir fortement le développement économique du tissu professionnel, et ça marche ! Il faut aussi faciliter les échanges entre la Région, les producteurs et France 3, fluidifier le dialogue. Développer les relations interrégionales est un autre de nos axes de travail.
MARTINE VIDALENC – MARMITAFILMS – Bordeaux - Aquitaine
En Aquitaine, les entreprises se sont développées grâce à la combinaison cohérente de différents dispositifs : le fonds de soutien, l’aide au programme d’entreprise, le contrat d’objectifs et de moyens avec TV7. Ces outils ont créé les conditions de la professionnalisation. Ils ont tiré tout le monde vers le haut. Dans l’aide au programme par exemple, les producteurs sont invités à réaliser une « photographie » annuelle de leur entreprise, à se poser des questions sur la ligne éditoriale, le mode organisationnel, la capacité à se projeter… C’est très structurant, et pas seulement financièrement. Cette aide a pleinement contribué à la maturité des entreprises de notre territoire.
SERGE LALOU – LES FILMS D’ICI – Paris/Montpellier – Île-de-France/Languedoc-Roussillon
Si je devais donner un conseil à un jeune producteur voulant s’installer en région ? Il faut s’installer dans des endroits où il y a des aides à la production et ne pas travailler seulement à l’échelle locale, sinon on est en état de survie. Je parle de structures de production qui ont des permanents. Il faut avoir la possibilité de tenir pendant un moment avant d’atteindre une taille suffisante. Artistiquement, la concurrence est très rude et le lieu de résidence n’a plus d’importance. Si je gérais un fonds d’aides, j’investirais un maximum dans l’accompagnement, car je pense que les ¾ des producteurs ont un vrai besoin de formation permanente et d’accompagnement. Et je mettrais systématiquement en place une possibilité d’aide au développement si un auteur a eu une aide à l’écriture, une fois que l’auteur a un producteur comme dans le système du CNC. Quant aux aides aux programmes d’entreprise elles sont nécessaires mais sous contrôle, sans automaticité, et il faut que les gens qui les expertisent aient des compétences artistiques, économiques et en terme de marché.
JULIEN NEUTRES – CNC, Direction de la Création, des Territoires et des Publics
La culture est un facteur principal de développement pour les territoires. Investir dans la culture, c’est féconder l’avenir. C’est pourquoi la culture est restée une compétence partagée à l’ensemble des collectivités. Toutes peuvent s’engager dans une politique de soutien au cinéma et à l’audiovisuel. Le CNC s’est engagé à suivre financièrement tous les fonds régionaux qui souhaitent maintenir ou développer leurs engagements. Certaines régions ont déjà décidé d’augmenter leurs investissements dans le secteur du cinéma et de l’audiovisuel.
PHILIPPE GERMAIN – CICLIC – Centre-Val de Loire
La gestion des fonds d’aides ne peut pas être l’alpha et l’oméga d’une politique régionale, c’est la finalisation d’un parcours, qui doit coexister avec des programmes de formation professionnelle destinés à l'ensemble des acteurs de la filière, un travail de développement artistique des œuvres, un accompagnement des professionnels dans les marchés, festivals et rencontres professionnelles, une valorisation de la diffusion des programmes... Autant d'actions ajustées et adaptées qui visent à accompagner à chaque étape de développement une communauté professionnelle identifiée et repérée.
Il ne faut pas abandonner l’économique pour l’artistique, l’accueil de tournages pour l’initiative régionale mais trouver les conditions d’un rééquilibrage, d’une complétude des dispositifs. Comment l’argent public peut-il être structurant pour des communautés professionnelles, une filière ? Comment peut-on accompagner les œuvres ? Comment éviter une certaine précarisation de cette communauté ? Cela implique de travailler de plus en plus en décloisonnement avec d’autres secteurs et de faire la liaison entre services culturels et services économiques.
Contrats d’objectifs et de moyens (COM) et autre dispositifs
DOMINIQUE RENAULD – VOSGES TV
Il faut que les télévisions locales puissent mettre des moyens dans la coproduction. Les chaînes bretonnes TVR, Tébéo et Tébésud se sont vraiment mises dans cette dynamique d’impulser et d’accompagner la filière régionale en négociant le COM avec la région Bretagne.
Concernant Vosges Télévision, s’il y a un COM en région, cela va booster la filière localement mais cela ne permettra pas forcément de donner une réponse à la question de tous les films d’auteurs qui nous parviennent. Les films de création d’auteurs dits « difficiles », nous sommes actuellement 4 ou 5 télévisions locales à en coproduire et le volume de production pourra être impacté par le développement de la production régionale. Vosges Télévision signera certainement moins de films sur des sujets qui ne seront pas en rapport avec la région Grand Est.
JEAN-MICHEL LE GUENNEC – FRANCE 3 NORD-OUEST
La région Bretagne a fait le choix de s’appuyer sur les diffuseurs, y compris France 3 Régions ce n’est pas le cas de toutes les régions. Nous réussissons à bâtir des accords avec certaines régions et pas avec d’autres. En Pays de la Loire, nous avons signé une convention de partenariat. Nous produisons sur des thèmes dans le champ de compétence de la région, nous faisons des propositions de modes de traitement qui se traduisent par du magazine mais aussi du documentaire mais sans fléchage financier au profit de la coproduction régionale. En Bretagne, c’est une politique publique d’aide au développement culturel et audiovisuel, c’est un contrat d’objectifs et de moyens. A chaque fois nous préservons notre autonomie et notre indépendance éditoriale. En Pays de La Loire, l’essentiel du financement nous a permis de passer des commandes auprès de producteurs de Pays de la Loire. Le COM 2 de Bretagne, d’une durée de 3 ans permettra le financement de 28 documentaires par an avec les télévisions locales bretonnes, dont environ 10 seront en coproduction avec France 3 Bretagne ce qui permettra de mieux les financer.
JULIEN NEUTRES – CNC, Direction de la Création, des Territoires et des Publics
Nous étudions les différents COM déjà mis en place dans les régions qui nous permettront de définir les modalités de notre intervention, en lien avec les Régions. Cette mesure a suscité l’intérêt de l’ensemble des exécutifs, même si les situations sont très hétérogènes.
DOMINIQUE RENAULD – UNION DES TÉLÉVISIONS LOCALES DE SERVICE PUBLIC
Un certain nombre de télévisions locales ont signé avec les collectivités territoriales de leur zone de diffusion, un ou des contrats d’objectifs et de moyens sur des missions générales de service public. C’est capital pour qu’elles puissent exister, trop de chaînes ont disparu. Le CNC a annoncé son intention d’abonder dans la logique du 1€ pour 2€ les sommes fléchées vers la coproduction de documentaires. C’est un élément très positif et cela va permettre d’amplifier le financement d’œuvres en région. Mais il faut que les moyens alloués aux chaînes par les collectivités perdurent. Les différentes décisions prises suite au travail de la commission transparence mise en place par le CNC sont une étape importante, mais il faut que cette commission continue de fonctionner pour accompagner et évaluer la mise en œuvre de ces décisions par rapport à la structuration de la filière dans les régions. Il reste encore beaucoup d’éléments à discuter pour conforter la filière de production.
DAMIEN FRITSCH – Auteur – Strasbourg - Alsace
Dans la région Grand Est, nous avons une opportunité pour réinventer un modèle autour de la création. Nous ne partons pas de rien et les professionnels, auteurs, producteurs, télévisions locales se rencontrent pour faire des propositions à la nouvelle équipe d’élus et aux chargés de mission, pour rediscuter les dispositifs des fonds régionaux et raffermir le terreau de la création afin qu'elle se renouvelle et se densifie. Il faut penser les régions dans leurs spécificités et non dans le généralisme en matière de création audiovisuelle.
C’est dur depuis plus de 5 ans de faire le premier, le deuxième film et même le troisième film. On ne crée plus comme à l'époque où France 3 régions permettait de faire éclore des films d'auteurs et de pérenniser plutôt que de fragiliser la création. Nous souhaiterions la mise en place d’un COM qui permettrait de donner des moyens aux télévisions locales pour impulser une nouvelle dynamique et parallèlement penser à développer d’autres supports de diffusion. Les salles de cinéma ont aussi un rôle important à jouer dans la circulation des œuvres parce qu’aujourd’hui la télévision a muté et les usages ont changé. Les gens aimeront toujours se retrouver dans une salle devant un grand écran.
Les plateformes de diffusion
THIERRY GAUTIER – TGA PRODUCTION – Tours – Centre-Val de Loire
Dans le futur, les chaînes vont s’éteindre et d’autres systèmes vont naître, il faudra s’adapter. C’est ce qu’on est en train de faire avec les nouveaux usages qui sont en train de naître. Il faudra aussi trouver des schémas économiques qui permettent de payer les auteurs et toute la chaîne de production.
JEAN-FRANÇOIS LE CORRE – VIVEMENT LUNDI ! – Rennes - Bretagne
Ne jamais oublier que « Anaïs s’en va-t’en guerre » de Marion Gervais a fait 500 000 vues depuis la plateforme en replay de TV Rennes. C’est possible. Il y a une histoire forte et un personnage fort, il y a des médias nationaux qui s’en emparent. Et que ce soit sur une plateforme nationale ou régionale, à partir du moment où c’est en accès libre les médias nationaux s’en moquent, ils y vont, ils en parlent. Le film leur a plu, et quelque chose s’est passé autour de ça. La difficulté c’est de produire l’œuvre, et l’œuvre est produite dans un « vieux » modèle, avec des chaînes locales et le COM, le COSIP et la Région Bretagne, mais la diffusion sur la plateforme de TV Rennes a permis d’élargir énormément l’audience. Il y a là un exemple à étudier quand on parle de décentralisation de la diffusion. Deuxième exemple, le COM 2 en Bretagne n’aurait sans doute pas trouvé son modèle économique s’il n’y avait pas eu le projet Breizh créative. La Région Bretagne a trouvé des marges de manœuvre financières, parce qu’il y avait le projet Breizh créative qui avait un caractère « innovant ».
JEAN-MARIE BARBE – ARDÈCHE IMAGES PRODUCTION, TËNK – Lussas – Rhône-Alpes
Nous verrons ce que seront les plateformes, combien pourront exister dans le temps ; cela va aussi dépendre de la qualité de l’éditorial. Nous avons eu une aide conséquente du CNC et chaque année nous repasserons devant la commission avec la liste des films que nous souhaitons programmer et la façon de les accompagner. Je parle de documentaires qui ne sont ni pour la télé, ni pour le cinéma mais pour la télé et pour le cinéma et qui seront coproduits par les plateformes. Je ne sais pas si les plateformes sont la réponse à la question de la production en région, mais je sais qu’une plateforme créée à Lussas avec pour objectif le développement du documentaire d’auteur, a un réseau qui est pour les 2/3 en régions.
JEAN-FRANÇOIS LE CORRE – VIVEMENT LUNDI ! – Rennes - Bretagne
Il faut aussi se poser la question de ce que sera le documentaire en régions à 10 ans, et quand on voit la vitesse à laquelle les spectateurs évoluent ou les modes de consommation des images évoluent, 10 ans c’est une éternité. La transition numérique est là, on doit questionner les pratiques du digital, et je ne pense absolument pas au web documentaire tel qu'on l'entendait encore il y a deux ans. Comme l'annonçaient beaucoup de spécialistes du format, le web doc avec son récit délinéarisé a été une transition et ce type de programme est aujourd'hui obsolète. Je pense plutôt au documentaire immersif, à la consommation de programmes sur mobiles, à des plateformes comme Spicee qui arrivent, des plateformes privées qui produisent et diffusent du documentaire et qui se posent la question de toucher des publics qui cherchent des documentaires courts en délinéarisé. Les modèles économiques sont difficiles, mais est-ce que ça ne vaut pas le coup de se poser la question de comment on propose des documentaires à un jeune public qui demain, va consommer l’ensemble de ces images sur un mobile ou sur une tablette ? Je n'ai pas de réponses, seulement des questions qui soulignent le retard pris dans nos pratiques. Pourquoi, alors que le digital est l'outil de décentralisation par excellence, le secteur documentaire en régions ne s'en sert-il pas (ou si peu) ? Pourquoi les gros clusters et autres pôles numériques qui existent en régions (Imaginove, B-Com), n'intègrent-ils pas ou peu la création de contenus documentaires dans leurs objectifs ? Comment améliorer la rencontre entre ces deux mondes ?