DONNÉES ÉCONOMIQUES
DE LA PRODUCTION DOCUMENTAIRE

LUC MARTIN-GOUSSET – LA PROCIREP

Il y a quelques producteurs de documentaires qui creusent un sillon de films d’auteurs, qui ont pour politique de se situer dans ce genre de films et font du documentaire d’auteurs “avant” de faire du documentaire pour la télévision, pour le national ou le régional... Il s'avère que souvent, pour faire ces films, ces producteurs trouvent alors leur économie au niveau régional (et aussi international) plus qu'au niveau national.

Il y a une autre catégorie de producteurs ceux qui trouvent leur économie en travaillant presque uniquement à l'échelle régionale, ce qui ne signifie pas qu'il font forcément du documentaire d'auteurs ou de création.

JEAN-MARIE BARBE – ARDÈCHE IMAGES PRODUCTION, TËNK – Lussas – Rhône-Alpes

Ce que je dirais à des jeunes : Ne vous faîtes pas d’illusion, vous êtes dans un monde où, contrairement aux années 90, on ne peut pas vivre correctement de son métier quand on est auteur, réalisateur ou producteur de documentaire de création. Ce sont des professions qui sont sous-financées, il faut avoir un deuxième métier, par exemple la formation, soit faire des films qui ne soient pas que des films d’auteurs.

JEAN-FRANÇOIS LE CORRE – VIVEMENT LUNDI ! – Rennes – Bretagne

On parle beaucoup de « structuration du secteur », mais aborde-t-on tous les aspects de cette structuration ? Un secteur régional structuré, ce sont des auteurs bien formés, des techniciens bien formés, des diffuseurs soutenant la création régionale et ce sont des entreprises qui ont un modèle économique sain. On questionne souvent le modèle économique des œuvres, mais pas celui des entreprises. Est-ce qu’une entreprise qui ne peut pas payer avec un salaire décent la personne qui la fait tourner 12 mois par an est « structurée » ? Si une société qui souhaite parier sur un projet n’est pas capable de sortir 2 à 3000 euros sur ses fonds propres pour payer un auteur pour travailler, lui payer ses frais et prendre le risque de les avancer avant d’avoir trouvé des fonds de développement, n’a-t-elle pas un problème de crédibilité économique ? En produisant des œuvres trop souvent sous-financées, les sociétés en régions ont du mal à dégager des marges qu’elles pourront réinvestir dans leur structuration et dans du développement.

Il y a quelque chose qui me semble indispensable au développement de la filière en régions, c’est le fait d’avoir un grand nombre d’entreprises disposant d’un compte de soutien automatique au CNC. Le soutien automatique, ne jamais l’oublier, permet à l’entreprise de mobiliser jusqu’à 30% de son généré pour développer des projets. En ayant remonté le seuil d’accès à l’automatique, la réforme du COSIP documentaire risque de fragiliser le développement du secteur en régions en affaiblissant la capacité à développer des entreprises perdant l’accès à l’automatique.

LAURENCE ANSQUER – TITA PRODUCTIONS – Marseille / Douarnenez - Provence-Alpes-Côte d’Azur / Bretagne

Les films que nous faisons vont de 50 K€ à 350K€ (ce dernier chiffre correspond à un documentaire cinéma en coproduction européenne avec les contributions de plusieurs régions). Ce métier était déjà compliqué il y a 10 ans lorsque l'on a commencé, c’est juste un peu plus facile, parce que nous avons un réseau, nous sommes mieux formés, les diffuseurs nous connaissent mais cela reste extrêmement difficile et précaire.

ESTELLE ROBIN YOU – LES FILMS DU BALIBARI – Nantes - Pays de la Loire

En 2012, la société a traversé une période très difficile, un projet nous ayant particulièrement fragilisé. Après un départ d’associé, j’ai eu la proposition de m’associer avec la société parisienne Point du Jour, ce qui a renforcé Les Films du Balibari. C’était presque une question de survie. Notre métier demande beaucoup d’adaptation, de voyages et déplacements, de travail de réseau, d’être des têtes chercheuses, de tester et faire les choses différemment, d’agrandir les cercles.

JEAN-LAURENT CSINIDIS – FILMS DE FORCE MAJEURE – Marseille - Provence-Alpes-Côte d’Azur

Nous avons en moyenne 6 à 8 films en développement et production, deux en distribution, et nous tentons de sortir une forme courte tous les ans. Nous sommes toujours à la recherche d’un équilibre difficile à trouver : à savoir le juste volume de production qui nous permette, d’une part, d’être proches des projets et de proposer un véritable accompagnement artistique, et d’autre part, de faire vivre et développer l’entreprise.

ALEKSANDRA CHEVREUX – DOC(K)S 66 – Ambillou - Centre-Val de Loire

Avec une sortie de documentaire en salle, il y a des étoiles dans les yeux mais la réalité est tout autre car on est face à une filière qui est paupérisée du début à la fin. Il ne faut pas oublier que Merci Patron ou Demain sont des exceptions ! Il y a des frais incompressibles comme l’attaché de presse, le programmateur, la création des supports marketing, ce sont des charges entre 20 à 40K€, donc en dessous de 10 000 entrées c’est difficile.

Or les exploitants préfèrent pour les documentaires avoir une soirée événement qui va attirer 150 spectateurs, plutôt qu’une programmation d’une semaine non accompagnée qui va souvent générer très peu d’entrées. Il faudrait développer des aides à l’accompagnement des films pour permettre de prendre en compte la rémunération des réalisateurs ou des membres des équipes ou autres intervenants qui participent à des soirées-débats, et qui donnent une plus-value à ces projections événementielles.

MELINE ENGERBEAU – ONCE UPON – Bordeaux - Aquitaine

Produire une histoire sur le web coûte deux fois plus cher qu’en audiovisuel contrairement à ce que la plupart des intervenants pensaient au départ. L'expérience prouve qu'il faut coordonner deux équipes de création, une pour le linéaire et une pour l'interface. Pour une société de production qui investit dans les nouvelles écritures, il faut qu’elle soit solide financièrement, agile et qu’elle développe des savoir-faire diversifiés qui lui permettront d'investir toutes les nouvelles technologies, et de passer les caps des "nouvelles modes". Quels que soient les modes de collaboration, sous-traitance, coproduction, il faut travailler avec d’autres. C’est important que les producteurs Nouveaux médias se soient structurés au sein de PXN.

CHRISTOPHE LEROY - LA TROISIÈME PORTE À GAUCHE – Bordeaux - Aquitaine

La Troisième Porte à Gauche est une structure associative de production et de diffusion d'un cinéma documentaire de création composée d'auteurs et de vidéastes. Qui dit structure associative dit, dans le paysage actuel de la production, nécessité de trouver un modèle économique alternatif, car le mode d'organisation associatif ne doit pas être synonyme de baisse de l'exigence mais de déplacement des moyens. Ce que nous perdons en aide classique à la production, nous le retrouvons en interne par les ressources humaines et financières que fédère l'association par son activité. Les compétences des membres se sont diversifiées permettant d'avoir en interne la possibilité de suivre toute la chaine de production d'un film de l'écriture jusqu'à sa diffusion. Des activités annexes, comme la réalisation de films de commande, au sein de l'économie sociale et solidaire, nous assurent aussi des ressources propres.