Décentralisation, acte III, scène 2. Pour étrenner le printemps, gros écarts de température au Conseil régional de Bretagne, où le projet de loi a été fraîchement accueilli et la contribution de la Région – incluant un volet audiovisuel ! – chaleureusement approuvée.

Avant que le texte ne soit présenté le 10 avril prochain en conseil des Ministres, les conseillers régionaux de Bretagne ont exprimé leur déception face au texte de leur ex-collègue Marylise Lebranchu. Le tourisme aux départements, les langues régionales au placard, le droit à l’expérimentation aux oubliettes, l’autonomie fiscale embryonnaire, etc. Le manque d’ambition du texte a irrité jusqu’aux membres de la majorité présidentielle. Dans la foulée, l’assemblée a voté le texte d’une contribution volontariste, dans le cadre du droit à l’expérimentation pour les collectivités territoriales inscrit dans la réforme constitutionnelle de 2003. Cette contribution a suscité presque autant d’adhésions que le texte gouvernemental n’avait déclenché de critiques.

Pour le développement de l’audiovisuel en Bretagne : c’est le titre de la neuvième contribution thématique sur douze au total (la culture et langues régionales ayant aussi leur codicille). Ce texte est le fruit d’une concertation menée par le vice-président Jean-Michel le Boulanger, impliquant les professionnels de la région et un groupe d’élus concernés par la politique culturelle.

La contribution met d’abord en avant ses trois raisons d’être : défendre la diversité culturelle face au divertissement standardisé, décentraliser une production anormalement concentrée en Ile-de-France, encourager des politiques publiques locales qui ont fortement contribué au développement du secteur.

Suivent les quatre axes qui fondent l’intervention de la collectivité :
– La notion de service public audiovisuel : l’action culturelle, l’éducation à l’image, le soutien à la création, l’approche critique et distanciée de l’actualité, l’expression de la diversité culturelle sont autant de priorités aujourd’hui bafouées par un paysage audiovisuel chaque jour plus marchand et soumis au règne de l’immédiateté.
– Les publics intéressés par la Bretagne, dans sa globalité historique et sa diversité la plus large, territoriale, culturelle, sportive, environnementale, économique, linguistique, doivent bénéficier d’une offre plus importante sur leurs écrans.
– Le soutien à la filière : l’emploi, la formation, le financement de la production, la recherche de nouveaux débouchés locaux pour cette production, la consolidation des acteurs existants, sont une autre préoccupation centrale.
– L’émergence récente de nouveaux usages et de nouveaux modes de diffusion liés au développement du numérique n’est qu’un premier aperçu des profonds bouleversements qu’ils ne manqueront pas de provoquer dans le paysage audiovisuel. Tout en veillant à ne pas alimenter de nouvelles fractures sociétales, il s’agit ici d’intégrer d’emblée une approche prospective.

La question des moyens à mobiliser est abordée sans équivoque. Sans moyens nouveaux, aucune expérimentation ne sera possible, la fragilité économique des différentes parties prenantes étant manifeste. La contribution va même jusqu’à évoquer une plus juste redistribution des produits de la contribution nationale à l’audiovisuel public sur les territoires. Il s’agirait là en effet d’un véritable geste décentralisateur. En conclusion, le texte invite à poursuivre l’élaboration du projet, avec notamment des représentants de l’Etat, d’ici à fin 2013.

Si l’on peut se réjouir et se féliciter du contenu de cette contribution, s’il y apparaît clairement que la région est une échelle pertinente pour une revitalisation de l’action politique, l’on peut légitimement s’inquiéter de ce qui se passe à l’étage supérieur. Quel est le projet politique du gouvernement, notamment en matière de culture et de décentralisation ? Quelle latitude laissera-t-il, pour finir, aux collectivités territoriales ? Même si le doute est permis, ce n’est pas le moment de se démobiliser, tout est encore possible !

Serge Steyer