Une loi pour entériner le régime de l’intermittence


Le Premier ministre, Manuel Valls, a annoncé en janvier un certain nombre de mesures concernant le régime spécifique des intermittents du spectacle. Tour d’horizon des propositions du gouvernement. 

La convention d’assurance-chômage, en vigueur depuis mars 2014, a provoqué de nouvelles manifestations d’intermittents dans toute la France, l’été dernier. Pour calmer ces mouvements de protestations et apporter des réponses aux contre-propositions émanant des professionnels du spectacle vivant, du cinéma et de l’audiovisuel, Manuel Valls a confié, en juin 2014, une mission de concertation à Hortense Archambault, ancienne co-directrice du festival d’Avignon, à Jean-Denis Combrexelle, ex-directeur général du Travail, et au député Jean-Patrick Gille.  Pendant six mois, le trio a mené une expertise associant un grand nombre de partenaires.

C’est en s’appuyant sur les conclusions de ce rapport que le Premier ministre a décidé d’inscrire le régime spécifique des artistes et techniciens dans une loi qui sera promulguée au premier semestre 2015. Une mesure pour « lui donner une assise pérenne » et éviter qu’il ne soit remis en question à chaque nouvelle négociation de la convention d’assurance-chômage. On se souvient que le Medef n’avait pas hésité à jeter de l’huile sur le feu en demandant sa suppression lors des dernières discussions.

Négociation élargie

Le gouvernement semble avoir entendu une autre revendication des intermittents qui ont maintes fois pointé la non-représentativité des syndicats décidant de leur sort. Désormais, la table des négociations sera ouverte à des partenaires sociaux représentatifs des métiers du spectacle et de l’audiovisuel. Ils pourront faire des propositions concernant les règles spécifiques des annexes 8 et 10, mais leur marge de manœuvre sera cantonnée à l’intérieur d’un cadre global fixé par les partenaires sociaux interprofessionnels. L’interprofessionnel devrait déterminer le cadre financier, le niveau professionnel discuterait des règles. Mais à défaut d’accord, c’est l’interprofessionnel qui, comme aujourd’hui, aura le dernier mot.

Autres propositions : encadrer le recours aux CDD d’usage en actualisant, avant la fin 2015, la liste des métiers éligibles à ce type de contrats, et améliorer l’accès aux droits sociaux en matière de santé et de maternité par une mesure concrète : le seuil permettant d’ouvrir des droits à prestations sera abaissé à 150 heures travaillées par trimestre contre 200 actuellement. Sur leur blog, Les Matermittentes se réjouissent de cette « réelle avancée car l’ensemble des salarié (e) s pourront en bénéficier avant la fin du premier trimestre 2015, qu’ils dépendent ou non des annexes 8 et 10 », mais elles estiment que « cette préconisation sur les seuls seuils reste totalement insuffisante » (A lire dans En savoir +).

Ces annonces ont été diversement accueillies. Si la CGT Spectacle salue comme une victoire l’inscription du régime de l’intermittence dans la loi qu’elle réclame depuis 2007, elle désapprouve que le futur cadre financier des annexes 8 et 10 soit établi au niveau interprofessionnel. La CIP-IDF, fer de lance de la lutte, fait savoir, quant à elle, que « rien n’est réglé pour personne » et dénonce « une opération de communication ». La Coordination des intermittents et précaires voulait une réouverture anticipée des négociations qui auront lieu comme convenu en 2016. Mais elle souligne que la mission de concertation aura au moins permis de chiffrer les différents modèles alternatifs proposés par la CIP, la CGT et le SYNDEAC.

Un tabou a sauté

« L’hypothèse d’un retour à un système de date anniversaire, associé à une période de référence de douze mois, doit pouvoir faire l’objet d’un examen dépassionné dans le cadre des futures négociations de l’assurance-chômage. C’est une revendication essentielle sur laquelle une large partie des interlocuteurs s’accordent au niveau professionnel, qui va dans le sens d’un cadre plus stable et plus sécurisant pour les salariés intermittents », écrivent les auteurs du rapport remis au Premier ministre.

Cette revendication récurrente a enfin été examinée. Selon Matthieu Grégoire, maître de conférences en sociologie, qui a été associé à la concertation, « un retour aux 507 heures, toutes choses égales par ailleurs, entraînerait un surcoût de 35 à 40 millions d’euros, loin des 170 millions avancés par l’Unedic ». Il pourrait être compensé par d’autres économies et permettrait aux intermittents de retrouver un peu de sérénité en n’étant plus soumis aux affres du système glissant en vigueur depuis 2003. Nul doute que les professionnels reviendront à la charge en 2016 lors de la prochaine négociation pour faire valoir leurs modèles alternatifs.

Nathalie Marcault

Les principaux points de la réforme de 2014

  • Mesure la plus décriée de l’actuelle convention lors des manifestations de 2014, le différé d’indemnisation est pris en charge par le gouvernement jusqu’à la prochaine négociation, courant 2016. Ce dispositif qui élargissait le délai de carence pour le versement des allocations n’est donc pas appliqué. Les règles de 2003 sont toujours en vigueur.
  • Le plafonnement des revenus mensuels (salaires + allocations) s’établit à 4381 euros, seuil au dessus duquel aucune indemnisation n’est versée. 3% des intermittents, soit 4000 personnes environ, sont concernés.
  • Les contributions sociales passent de 10, 8% à 12, 8 %, ce qui entraîne pour tous les intermittents une baisse de salaire de 0, 8% et pour les employeurs une hausse du coût du travail.
  • Depuis le 1er octobre 2014, un intermittent qui n’a pas cumulé 507 heures et qui a travaillé au régime général peut ouvrir des droits dans ce régime. Plus d’informations sur cette question : ici.

Le rapport relatif aux intermittents