Dominique Luneau, homme de médias bien connu dans les Pays de la Loire, a repris récemment la direction de Télénantes. Avec un projet éditorial résolument tourné vers l’information et un oeil attentif sur l’Unité de programmes des télévisions locales de Bretagne.

– Quelles sont les grandes étapes de votre parcours professionnel ?

– Dominique Luneau : je suis journaliste depuis toujours. J’avais 20 ans quand j’ai débuté à Presse-Océan où j’ai d’abord travaillé comme localier. A 30 ans, j’ai quitté ce journal pour créer l’agence de Presse API (Atlantique Presse Information, ndlr), qui couvre l’actualité économique des Pays de la Loire et de Bretagne et assure la correspondance de nombreux journaux nationaux. J’ai ainsi été correspondant du journal Le Monde à Nantes pendant 10 ans. J’ai fait connaissance avec la télévision en devenant le premier directeur de Télénantes, de 2004 à 2006. C’était l’époque assez compliquée où la chaîne partageait un canal avec Nantes 7. Ce fut néanmoins une belle aventure qui a permis à Télénantes de trouver les bases de son identité et de son existence. De 2006 à 2009, j’ai renoué avec Presse-Océan en tant que rédacteur en chef et directeur général délégué, peu de temps après le rachat du titre par Ouest-France. J’ai eu pour mission de repositionner Presse-Océan, à la fois sur les plans éditorial et marketing, de façon à lui donner une identité propre, différente de celle de Ouest-France. Etant entrepreneur et journaliste, je me définis aujourd’hui comme un éditeur, c’est-à-dire quelqu’un qui doit allier les contenus et le modèle économique.

– Pourquoi avez-vous eu envie de reprendre la direction de Télénantes ?

– D.L. : en 2011, une société a été créée pour regrouper Télénantes et Nantes 7 au sein d’une seule et même entité. C’était après le dépôt de bilan de Nantes 7. API a pris des parts et est actuellement actionnaire de N7TV, la société éditrice de Télénantes. A ce titre, j’étais administrateur de la chaîne que je n’ai jamais perdue de vue. Le projet éditorial que j’ai proposé est motivé par l’envie de faire vivre un média d’information générale à Nantes. Ma première tâche a été de renégocier les conventions avec les collectivités locales. Avec la Ville de Nantes et Nantes Métropole, nos deux principaux financeurs, nous avons obtenu que le contrat d’objectifs et de moyens soit signé pour 5 ans et non plus pour 3 ans, ce que je considère comme une marque de confiance importante de nos partenaires publics. Puis, je me suis attelé à la mise en œuvre du projet éditorial positionné.

– Quel est, pour vous, le rôle d’une télé locale ?

– D.L. : une télévision locale doit être une place publique, ouverte à tous, un média issu de son territoire de diffusion. Nos conventions d’objectifs et de moyens nous demandent d’être « un média télévisuel et numérique grand public et gratuit, centré sur les faits d’actualité et événements, proche des préoccupations des habitants, respectueux des règles déontologiques et du pluralisme, doté d’une grille de programmes attractive, avec un rendez-vous régulier d’information ». Notre ligne éditoriale est simple, ce qui ne veut pas dire facile à mettre en œuvre : s’adresser à tous les publics, tous les âges, toutes les catégories ; créer des liens entre les habitants, leurs communautés, les acteurs, les territoires de notre zone de diffusion ; développer un sentiment d’appartenance à ce territoire, de solidarité entre ses composantes humaines et géographiques, ferments de sa vie démocratique.

– Comment cela se décline-t-il sur la grille des programmes ?

– D.L. : depuis septembre, nous mettons l’accent sur l’info avec un rendez-vous quotidien d’une heure « Le 18 h de Télénantes ». La chaîne s’était un peu éloignée de l’actualité. Or, l’information sous toutes ses formes est, pour nous, un vrai marqueur. Les téléspectateurs nous connaissent parce que nous sommes sur le terrain tous les jours. Nous mettons aussi le sport en avant, parce qu’il a à Nantes, en plus du FC Nantes bien sûr, beaucoup de clubs de haut niveau dans différentes disciplines, ce qui nous permet de faire un journal quotidien du sport.
Pour préparer ce projet éditorial, j’ai rencontré plusieurs directeurs de chaînes locales de l’Ouest, notamment en Bretagne. J’ai analysé leurs forces et leurs faiblesses. Pour moi, Tébéo est un modèle en matière d’implantation sur son territoire et de réussite en termes d’audience. Et la coopération des chaînes bretonnes via leur unité de programmes est un horizon enviable. Nous devons être capables de faire aussi bien, même si le paysage local et notre histoire sont à priori moins favorables.

– Y-a-t-il un projet de fédération des télévisions locales des Pays de la Loire ?

– D.L. : nous voudrions développer une interconnexion à très haut débit des télés locales des Pays de la Loire (1) de façon à pouvoir proposer des événements communs sur toutes ces chaînes à la fois. Par exemple, lors des 24 heures du Mans ou lors de la Folle journée, événement musical majeur. Derrière cet aspect technologique, il y a aussi un enjeu économique : il sera plus facile d’attirer des annonceurs grâce à une audience cumulée plus importante. A terme d’ailleurs, on pourrait même imaginer – c’est un espoir – une interconnexion avec la Bretagne. Le jour où les neuf télés locales de l’Ouest disposeront de cette interconnexion, elles pourront proposer des programmes à la carte, grâce à la souplesse de leurs grilles. Un rendez-vous sur l’économie maritime ou sur la voile, diffusé de la Vendée jusqu’aux Côtes-d’Armor, ça aurait de la gueule !

– Avez-vous une politique de co-production de documentaires et courts métrages de fiction ?

– D.L. : cela fait partie de nos missions et c’est notre intérêt. Reste à trouver les ressources nécessaires en développant nos recettes privées et en développant les coopérations régionales et inter-régionales indispensables pour y parvenir. Le budget 2013 de Télénantes n’affecte que 20 000 € à cette activité de co-production. Tout dépendra donc, pour l’avenir, du modèle économique que Télénantes saura ou non développer, mais aussi de l’attention que les producteurs sauront porter à nos objectifs et notre projet éditorial. Des deux côtés, il y a, à mon avis, des marges de progression.

– On sait que les télés locales sont fragiles sur le plan financier. Quels sont vos objectifs budgétaires ?

– D.L : il nous faut développer nos recettes privées. C’est incontournable. Avec 1, 8 million d’argent public sur nos 2,2 millions d’euros de budget en 2013, nous faisons le plein des financements publics. Nous savons que le marché publicitaire est très tendu et que ce n’est pas par ce biais que nous augmenterons prioritairement la part des fonds privés. C’est plutôt via le sponsoring d’émissions, les publi-reportages que nous sous-traitons à des prestataires extérieurs, et par des co-productions liées à des événements. A titre de comparaison, le budget de TV Vendée totalise 800 000 euros de recettes privées et celui de TVRennes 1,2 million.

– Aujourd’hui, la visibilité d’une chaîne locale passe aussi par internet et les nouveaux supports de diffusion ?

– D.L : l’autre axe de développement, c’est, en effet, d’intensifier la diffusion de nos contenus sur tous ces nouveaux supports. Nous venons de passer une convention avec Dailymotion, ce qui rendra tous nos contenus seront accessibles en VOD et en HD via la télévision connectée. Nous sommes déjà visibles sur les smartphones et autres tablettes via notre site telenantes.com. Nous développons aussi notre présence sur Youtube. Et nous allons repenser l’ergonomie de notre site internet pour que la circulation soit plus fluide sur tous ces nouveaux supports.

Propos recueillis par Nathalie Marcault
(1) Le Mans TV, Angers Télé, Canal Cholet et TV Vendée.