Nous, professionnels du cinéma et de l’audiovisuel en Bretagne, avons appris avec stupeur que le conseil départemental du Finistère avait voté à l’unanimité pour 2017 la suppression intégrale du fonds d’aide à la production de courts-métrages, que l’institution mettait en œuvre depuis près de 20 ans.

Alors que s’étaient initiées des modalités d’échanges réguliers avec le Département, nous déplorons l’absence de concertations et de débats préalables à cette prise de décision présentée comme sans appel.

Depuis 1999, ce fonds d’aide à la création, doté annuellement de 100 000 euros par le Département et abondé de 50 000 euros par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) depuis 2013, a permis de contribuer à la production de plus de 200 courts-métrages.

Le Finistère constitue à ce jour un terreau unique en France avec l’implantation de structures majeures : le Festival Européen du Film Court, le Groupe Ouest, la Cinémathèque de Bretagne, le Master Image et Son de l’UBO, la chaine de télévision locale Tébéo ainsi qu’une dizaine de sociétés de production et de post-production (image et son) et plus d’une centaine de professionnels.

Les salles de cinéma, animées par plusieurs réseaux historiques, tels que Daoualagad Breizh et Cinéphare, ont tissé un mailllage exceptionnel de diffusion du cinéma d’auteurs à travers l’ensemble du département. Les dispositifs d’éducation à l’image, les classes audiovisuelles dans les lycées, le BTS de Lesneven, la formation initiale et continue contribuent au dynamisme et au renouvellement de la filière.

La suppression de ce fonds déstabilise l’ensemble de cet édifice patiemment construit par le Département lui-même, grâce à une politique culturelle menée jusqu’ici avec ambition.

Le court métrage représente le socle fondateur de tout un secteur : levier pour de jeunes talents créatifs tout autant que terrain d’expérimentation et de professionnalisation pour les techniciens. La présence de professionnels aguerris sur le département incite des productions nationales et internationales à y localiser leurs tournages. Les retombées économiques sont considérables au regard de l’investissement somme toute modeste du conseil départemental au travers du fonds (0,01% du budget).

Cet investissement participait par ailleurs pleinement à un meilleur équilibre sur l’ensemble du territoire breton.

Pour les jeunes entrepreneurs récemment installés dans le département, c’est un constat amer. Au moins 4 sociétés de production se sont créées en Finistère ces trois dernières années, avec la volonté de produire du court-métrage de fiction sur leur territoire : Tita B, Les Films de Rita et Marcel, Stank, Les 48° rugissants, rejoignant d’autres sociétés ancrées depuis longtemps : Paris-Brest, Iloz, Kalanna, Spirale, Carrément à l’Ouest, Aber Images… Que signifie de s’installer à Brest, à Douarnenez ou à Quimper, s’il faut impérativement aller tourner ailleurs pour trouver les financements ?

Nous dénonçons avec force l’absence de cohérence de ce choix non concerté.

Car enfin, sans une aide à la création, quel sens donner au soutien à la diffusion, à l’éducation à l’image, au socio-culturel ? pour lequel le Département maintient par ailleurs son engagement. Quels professionnels viendront présenter et parler de leurs œuvres aux collégiens et habitants finistériens quand tous auront dû partir ailleurs pour vivre de leur métier ?

Incohérence également à l’échelle régionale. La suppression de cette aide intervient, en effet, à un moment où le conseil régional de Bretagne fait du développement du cinéma et de l’audiovisuel une des priorités de l’actuelle mandature en aidant, notamment, à l’émergence du long métrage d’initiative régionale.

La suppression de ce fonds suscite auprès des professionnels une réelle inquiétude quant à l’isolement à court terme du Finistère, tant sur le plan culturel qu’économique.

Nous croyons en la richesse de la concertation avec les élus du Département et les appelons avec conviction à lancer un processus de réflexion partagée avec les professionnels et organismes dédiés pour dessiner de nouveaux contours à une action politique pour laquelle les contraintes économiques – indéniables – ne signifient pas le renoncement à l’ambition culturelle, artistique et économique du Finistère.