La productrice qui aimait la pluie


Sylvie Plunian vient de créer sa société de production à Logonna-Daoulas dans le Finistère. En forme de clin d’œil à la réputation tenace de sa région d’origine, elle l’a baptisée ‘’Les films de la pluie’’. Armée d’une solide expérience engrangée sous le soleil ardéchois de Lussas, la jeune femme revient au pays en espérant se faire une place dans le paysage audiovisuel breton. 

– Ah, t’as monté une boite !  – Et t’es où ?  – A Logonna-Daoulas… – Ah bon, c’est où ? – Dans le Finistère… – Et comment elle s’appelle ? – Les Films de la Pluie !

Ce petit dialogue, Sylvie Plunian l’a eu avec de nombreux interlocuteurs depuis le mois de juin dernier, date de la création de sa société de production. « Je suis contente du choix de ce nom. Les gens le retiennent parce que ça les fait rire ». Le retour au pays de la jeune productrice de 34 ans est doublement placé sous le signe de l’eau : celle qui peut donc tomber du ciel et celle du bras de mer qui se découvre au regard depuis la maison située sur les hauteurs de Logonna-Daoulas où elle s’est installée avec son compagnon et son fils de quatre ans. « Ma famille, mes amis, le climat et les paysages bretons me manquaient. J’ai grandi à Sainte-Anne d’Auray. J’ai fait mes études à Rennes. Je connaissais mal le Finistère. Et il se trouve que je m’y plais beaucoup ! »

Sylvie Plunian a reconstruit le cadre de vie et de travail qu’elle a tant apprécié dans la campagne ardéchoise de Lussas. « Je n’avais pas envie d’aller démarcher les sociétés bretonnes de production. Celles qui auraient été susceptibles de m’embaucher se trouvent en ville et je voulais rester à la campagne. En fondant ma société, je suis libre de mener mes propres projets. A Lussas, j’ai toujours joui d’une grande autonomie que je tiens à conserver ».

A l’issue de son DESS de réalisation et de production documentaire, un stage de six mois l’amène ‘’par un heureux hasard’’ dans ce haut lieu du documentaire. Elle n’en repartira que 8 ans plus tard et y apprendra le métier. Pendant quatre ans, elle est chargée de la régie audiovisuelle des Etats Généraux du film documentaire. « C’est un travail intensif qui touche des aspects à la fois techniques et financiers. Chercher des films introuvables, négocier les tarifs de location, rapatrier les copies, tout cela a été très formateur ». En parallèle de ‘’ce premier vrai boulot’’, elle fait ses armes dans la société de production Adalios auprès de Magali Chirouze et au sein d’Ardèche Images Production fondée par Jean-Marie Barbe. Un apprentissage sur le tas, tout de même facilité par les connaissances acquises à l’université : « J’ai commencé par des études de lettres et de cinéma et je suis très hermétique aux mathématiques. C’est une prof d’économie du cinéma, en année de licence, qui m’a donné le goût des chiffres ! Du coup, j’ai fait mon mémoire de maîtrise sur l’économie de la production et ses perspectives d’évolution ».

A Lussas, la jeune femme va apprendre à la fois la direction de production qui consiste à monter les dossiers, établir les devis, accompagner les réalisateurs, organiser les tournages…, et l’administration de production, c’est-à-dire la comptabilité, la paie, le rendu des comptes… Il est assez rare de cumuler cette double compétence, et c’est un atout de poids dans la gestion d’une société.

Depuis l’Ardèche, Sylvie a vue sur le reste du monde grâce au vaste réseau de formations et de collections mises en place par Jean-Marie Barbe. Elle assure la production exécutive de plusieurs collections de films : Lumière d’Afrique (en co-production avec des télévisions locales comme TV Rennes 35, Vosges TV, Lyon Capitale Tv), Une journée avec (Arte GEIE) et Tamatave en courts, programme de 6 courts métrages malgaches. Avec ces films, elle trouve sa place dans le réseau Lumière du monde, une coopérative de producteurs européens, africains et eurasiatiques qui sera d’ailleurs présentée à Doc’Ouest (1). Elle produit également plusieurs films de la collection Lumière de notre temps (Ciné +) ainsi que des films unitaires de jeunes auteurs qui connaîtront de belles carrières en festivals comme La tumultueuse vie d’un déflaté de Camille Plagnet. 

Au bout de huit années, Sylvie Plunian se sent assez solide pour se lancer en solo à l’occasion de son come-back breton. « Le cinéma et l’audiovisuel sont déjà fédérés en Bretagne. Il y a ici une belle dynamique. J’ai le sentiment d’avoir déjà mis un pied dans le réseau. Les nouvelles vont vite et les occasions ne manquent pas de rencontrer d’autres professionnels, lors des festivals ou dans les réunions des diverses associations. »

Le contexte plutôt difficile n’a entamé ni sa détermination ni son enthousiasme. Elle a créé sa société en toute connaissance de cause : « Comment peut-on s’en sortir ? En limitant les frais généraux au maximum. Mon bureau se trouve chez moi. J’économise sur tout. Je fais l’essentiel des tâches. En plus du travail de production, je gère la comptabilité, les paies, les déclarations sociales, etc. Mon expert-comptable ne s’occupera que du bilan. Ma situation financière tient sur le fil du rasoir, mais c’est un choix ! »

La jeune femme a calculé qu’il lui faudrait produire six films en même temps pour réussir à joindre les deux bouts. Elle a choisi une ligne éditoriale en cohérence avec son parcours et ses envies. « Je souhaite travailler avec de jeunes auteurs bretons sur des projets régionaux ou à vocation internationale. Mais aussi poursuivre ma collaboration avec des réalisateurs et des co-producteurs de régions du monde où le cinéma est peu implanté ». Son catalogue actuel reflète parfaitement cette préoccupation. Y figurent deux jeunes réalisateurs bretons, Laëtitia Foligné et Mael Cabaret, et deux Malgaches, Michaël Andrianaly et Johnattan Rabarijaona dont les projets sont en développement (2). Sylvie sait, par expérience, que les co-productions ‘’équitables’’ Nord-Sud sont plus difficiles à mettre en place et à financer, mais espère que les films ‘’bretons’’ lui donneront davantage de moyens. Elle veut « produire des films d’auteurs qui, tout en étant profondément ancrés dans le réel, sauront nous raconter des histoires et nous faire voir le monde autrement ».

Pour l’heure, l’actualité de la productrice est chargée. Elle se rendra prochainement à Vilnius en Lituanie pour suivre, en tant que stagiaire, la troisième et dernière session de la formation Produire en région et enchaînera – gare au jet lag !- par un voyage en Nouvelle-Calédonie où elle interviendra, cette fois comme formatrice, sur les fondamentaux de la production. Après quoi, elle reviendra dans ses pénates logonnaises se faire délicieusement arroser par le ciel breton !

Nathalie Marcault

Diaporama : Dream de Mael Cabaret et Le Coup de pousse de Michaël Andrianaly.

(1) « Avec Lumière du monde » : producteurs, diffuseurs, faites connaissance avec une jeune coopérative de producteurs (européens, africains et eurasiatiques) qui coordonne les collections de films documentaires de création émanant des programmes de formation mis en place par Ardèche Images : en Afrique (Africadoc), en France (Ecole du documentaire de Lussas), en Russie, Asie Centrale et Caucase (Eurasiadoc) et dans l’Océan Indien (DocOi) pour former un tissu de producteurs organisés en réseau international. Les collections reposent sur un partenariat avec deux diffuseurs (Tv Rennes 35 et Lyon Capitale Tv) et bénéficient du soutien du CNC.

Salle Pléneuf de 15H30 – 16H30. Avec Sandrine France, coordinatrice ; Dominique Hannedouche, directeur de TV Rennes 35 et Yann Stéphant, directeur du festival de cinéma de Douarnenez.

(2) En développement : La Salle des maîtres de Laëtitia Foligné, Dream de Mael Cabaret, Le Coup de pousse de Michaël Andrianaly, Prisonniers du temps de Johnattan Rabarijaona.

 

Lien(s) en relation avec ce sujet : Le Facebook des Films de la pluie