Marie Belhomme, d’une chaise à l’autre


Déjà forte d’un long parcours de scénariste, Marie Belhomme a passé le cap du premier long métrage avec Les Chaises musicales qui sort ce 29 juillet en salles. L’occasion pour la réalisatrice de planter ses caméras dans sa ville natale, Rennes, le temps d’un récit aux accents lubitschiens qui fait la part belle au romantisme et à l’humour.

Gaffeuse invétérée, Perrine provoque la chute d’un inconnu dans la benne d’une déchetterie, le plongeant dans le coma. Rongée par la culpabilité, la jeune femme lui rend visite à l’hôpital et se met en tête de le ramener à la conscience. Par le biais d’une énorme imposture, elle s’immerge alors dans la vie de l’homme endormi et en tombe peu à peu amoureuse…

Ainsi débute Les Chaises musicales, le premier long métrage de Marie Belhomme qui joue ironiquement avec les codes de la comédie romantique. « Ce que j’aime le plus au cinéma, c’est faire participer le public », explique la réalisatrice, « ici, on est aux côtés d’une menteuse qui s’enfonce dans des situations inextricables. On est ses complices. C’est un ressort classique de comédie dont j’aime me servir. Et puis une histoire d’amour entre une paumée et un type dans le coma me paraissait stimulant du point de vue du scénario. »

Car bien qu’elle signe elle-même la mise en scène des Chaises musicales, Marie est avant tout scénariste, une technicienne du récit formée au prestigieux C.E.E.A, le Conservatoire européen d’écriture audiovisuelle, de 2005 à 2007. Parmi ses formateurs, Christian Biegalski, Jean-Marie Roth, ou encore Yves Lavandier, l’auteur de La dramaturgie, un ouvrage de référence en matière de construction dramatique. Et lors de séminaires, des auteurs comme Pierre Salvadori, (Les Apprentis, Comme elle respire) viennent partager leur expérience. On connaît pires références… « J’ai toujours eu un vrai goût pour l’écriture », se souvient-elle, « j’avais déjà des bases, avec mes études en Lettres modernes et mon passage aux Conservatoires de Rennes et Paris, mais je voulais vraiment apprendre les règles, envisager la dramaturgie comme un artisanat. »

Pendant ces deux ans d’apprentissage, Marie potasse donc la théorie et muscle ses idées narratives dans de nombreux exercices d’ateliers. « On disséquait tout : l’incident déclencheur, la caractérisation, l’ironie dramatique… On écrivait des séquences avec des contraintes imposées. J’avais l’impression d’être une garagiste de l’écriture ! C’était passionnant ! » Une maîtrise patiemment acquise qui lui permet de trouver rapidement du travail comme scénariste à la sortie de la formation. Mais l’envie de développer un projet personnel se fait peu à peu sentir. « J’écrivais surtout sur des séries jeunesse, dont certaines n’ont d’ailleurs jamais été diffusées ! C’était très formateur, mais j’avais besoin de me lancer dans quelque chose de plus sincère. J’ai eu la chance d’obtenir une aide à l’écriture de la Région Bretagne pour « Les Chaises musicales », ce qui m’a permis de développer le scénario pendant environ six mois et d’avoir un premier traitement solide. »

C’est avec cette première mouture qu’elle postule au Festival international des scénaristes de Valence. Retenue dans le cadre du Forum des Auteurs, un dispositif qui lui permet d’être parrainée par un professionnel confirmé, elle rencontre Michel Leclerc, bientôt auréolé par le succès du Nom des gens. « On s’est tout de suite très bien entendus, si bien qu’il est devenu consultant et qu’il a co-écrit les dialogues pour la version finale du récit. De retour à Paris, il m’a présenté aux producteurs Agnès Vallée et Emmanuel Barraux, de 31 juin Films. Ils ont aimé le projet et ont décidé de le produire. »

Pourtant Marie envisage tardivement de troquer son fauteuil de scénariste pour celui de réalisatrice. Mais devant la perspective que le script prenne la poussière sur une étagère en attendant un metteur en scène, elle se décide à franchir le cap et passe derrière la caméra pour son premier court métrage, Bonne poire, en 2012. « C’était pour le moins rapide. J’ai disposé de cinq heures pour tourner le film ! Mais ça m’a permis de mieux appréhender le travail sur « Les Chaises musicales ». Et j’avais déjà dirigé des acteurs au théâtre pendant mes années de Conservatoire, donc je ne partais pas totalement démunie. »

Séduite par la qualité du scénario, Isabelle Carré (Se souvenir des belles choses, Les Sentiments…) accepte d’interpréter le rôle de Perrine, cette jeune femme un peu à côté de ses pompes qui s’assoit sur la chaise d’un autre. Carmen Maura (Volver) et Philippe Rebbot (Hippocrate) rejoignent à leur tour le casting. Tout naturellement, Marie situe l’action des Chaises musicales à Rennes, la ville où elle est née et a grandi. « Je n’ai pas choisi des rues emblématiques ou touristiques. Il ne s’agissait pas de montrer la province avec un regard parisien, mais d’implanter l’action dans des endroits que je connaissais et que j’avais fréquentés. Dès l’écriture, cet aspect était essentiel. »

Pendant les 31 jours d’un tournage marathon, Marie doit composer avec les nombreuses contraintes inhérentes à la réalisation d’un long métrage : budget, météo, aménagements du scénario… « Il faut savoir s’adapter », confie-t-elle, « j’aurais bien fait quelques prises supplémentaires après montage, mais je suis malgré tout très contente. On doit aussi tenir compte des méthodes des acteurs. Carmen Maura, par exemple, est une comédienne incroyable, mais elle n’improvise pas. On ne pouvait donc pas trop s’éloigner de ce qui était prévu dans le script. »

Pour l’heure, alors que les vacanciers trempent les pieds dans l’eau, Marie attend de savoir quel accueil le public va faire à son film qui sort ce 29 juillet. Elle a déjà goûté les retours chaleureux des spectateurs lors d’avant-premières, notamment au Festival du film de Cabourg, et planche déjà sur de nouveaux projets, toujours accompagnée par 31 juin Films. « Je travaille sur plusieurs scénarios en même temps. L’un d’eux, Contents-contents, en est déjà à sa deuxième mouture. Mais je sais que je ne vais garder que deux ou trois scènes… Écrire, c’est réécrire ! ». Une belle exigence, qui, espérons-le, s’avérera payante au jeu des chaises musicales du box office.

Jean-Claude Rozec

Photo de Une : Isabelle Carré dans Les Chaises musicales

Les Chaises musicales, de Marie Belhomme, avec Isabelle carré, Carmen Maura, Philippe Rebbot. Produit par 31 Juin Films. Sortie le 29 juillet.