Bien connu dans le monde de l’animation, le chef-décorateur et animateur Jean-Marc Ogier collabore depuis 7 ans avec le danseur et chorégraphe François Verret. Il participera à sa prochaine création.

Tout a commencé, il y a quinze ans, avec une énorme chaussure en résine qui a failli ne pas trouver son destinataire. Il s’agissait de la première commande de François Verret à Jean-Marc Ogier. « Je l’ai fait acheminer par le Sernam. Mais le colis, qui mesurait tout de même 5 mètres, s’est perdu. Il a fini par être retrouvé au fond d’un entrepôt ! ». Cet incident n’a pas nui à la collaboration entre le chorégraphe et le chef-décorateur. Depuis 2005, Jean-Marc a apporté sa patte sensible et poétique à toutes les créations de Verret. Pour No Focus, Raptus, Courts-circuits ou Ice, il a fabriqué et animé les mannequins et marionnettes qui peuplent le territoire étrange de la suburbia. Cet espace urbain indéterminé, « opaque et transparent, lieu d’effacement des identités ou d’apparition des êtres », que le chorégraphe met en scène, en sons, en mots, en gestes, en visions, d’un spectacle à l’autre.

En entrant dans l’univers du chorégraphe, Jean-Marc a renoué avec la sculpture, sa première pratique artistique, apprise aux Beaux-Arts de Rennes. Comme le dit joliment sa collègue Emmanuelle Gorgiard, réalisatrice de films d’animation et décoratrice elle-même : « Avec François Verret, Jean-Marc s’accomplit comme sculpteur scénographe du mouvement ». Cette expérience l’éloigne provisoirement des plateaux de tournage des films d’animation : « Travailler avec François Verret m’apporte tout un espace de création et de recherche qu’il est rare d’avoir sur un film d’animation. On ne peut pas se permettre d’improviser quand il y a un story-board. Là, il n’y en a pas. J’adore cette liberté. Et je retrouve le travail sur la matière ».
Les spectacles de Verret font appel à des musiciens, des plasticiens, des comédiens, des danseurs… dans un processus de création permanent. « Il m’envoie d’abord des livres, essais ou romans, en lien avec le thème du spectacle. Puis, nous nous donnons rendez-vous à Rennes pour discuter. A ce moment-là, je prends des notes, je dégage les idées fortes. Son univers n’est pas toujours facile à comprendre. Il faut y adhérer. J’essaie d’en donner une traduction sensible en termes d’espace et de temps. Ensuite, je lui propose des images et un jeu de renvois nous permet d’ajuster, d’affiner le travail ».

Et pour produire ces images, Jean-Marc a d’abord dû s’enfermer dans son atelier pendant de longues journées, pour fabriquer les mannequins, les animer, les mettre en lumière et les filmer : « Je fais tout, tout seul. Evidemment, c’est long mais je peux me concentrer à fond. Rien ne vient me perturber ». Ce travail solitaire s’appuie néanmoins sur quelques contraintes données par le chorégraphe. « Pour No Focus, par exemple, le couple de mannequins devait être assez neutre et évoluer dans la suburbia, se chercher, se perdre dans cet univers sombre et désespéré ».

L’animation des mannequins fait appel à la technique du stop motion qui permet de créer un mouvement à partir d’objets immobiles. Jean-Marc l’a souvent mise en œuvre. Son parcours en témoigne. Des réalisateurs comme Laurent Gorgiard pour L’homme aux bras ballants, Bruno Collet pour Le dos au mur, Isabelle Lenoble pour Pok et Mok, Fabien Drouet pour Ponpon, Philippe Julien pour Ruzz et Ben, Emmanuelle Gorgiard pour Le Cid ou dernièrement Emma de Swaef pour Oh Willy… ont profité de ses talents de chef-décorateur. Il s’est mis au service de leurs univers, puisant dans la large gamme des savoir-faire requis pour diriger les équipes de décorateurs et d’animateurs : comprendre les demandes des réalisateurs, suggérer des solutions, anticiper les problèmes techniques, prendre en compte la lumière et les focales utilisées par les chefs opérateurs, etc. Quand il travaille en équipe, Jean-Marc partage l’atelier et le plateau avec tous ses collègues. Pour François Verret, il anime seul et joue tous les personnages. « Ce sont deux façons de travailler différentes, mais j’ai besoin des deux. J’aime être seul et j’aime collaborer avec d’autres ».

Projetées sur de grands tulles pendant le spectacle, les marionnettes sont comme les échos fantasmatiques des danseurs qui évoluent sur scène. Pendant les répétitions de No Focus, Verret a invité Jean-Marc à l’Opéra de Lille. Il a eu son mot à dire sur l’insertion de ses images dans le décor, a pu régler certains mouvements. « Je vais être encore davantage présent sur le plateau lors du prochain spectacle ». Belle marque de reconnaissance de la part du chorégraphe dont la prochaine création baptisée Chantier verra le jour en 2014.

Nathalie Marcault

Photo : Jean-Marc Ogier anime une marionnette
Dans « en savoir + », extraits vidéos de No Focus de François Verret, réalisés par Jean-Marc Ogier : « Regard » et « Lac »