En Ille-et-Vilaine, où l’association Comptoir du Doc coordonne le Mois du film documentaire, un nouveau type de séance a séduit certains lieux partenaires : des programmes entièrement dédiés aux courts métrages.

Fin 2008, Célia Penfornis, coordinatrice de Comptoir du Doc, et Emmanuelle Lacosse, membre active de l’association, proposent au collectif rennais de réfléchir à la diffusion de courts métrages documentaires. L’idée plait et Emmanuelle Lacosse se voit chargée de programmation pour mettre en place un groupe de travail : « Je trouvais souvent une liberté d’approche dans le format court. Il me semblait intéressant de montrer ces écritures un peu différentes. Mais surtout, nous voulions redonner une place à l’idée d’avant-programme». L’objectif était donc de proposer un court-métrage de moins de 10 minutes en première partie de séance pour chaque film diffusé, que le lieu de diffusion soit une salle de cinéma ou une médiathèque. Étonnamment, ce sont essentiellement des nouveaux adhérents qui ont rejoint le groupe de bénévoles constitué pour l’occasion, comme si les premières armes au cinéma étaient moins intimidantes pour des novices en programmation. Avec un appel à film sur le réseau, des repérages dans les bases de données existantes, et quelques déplacements en festivals, une cinquantaine de films est visionnée par la chargée de programmation qui pré-sélectionne les plus intéressants afin de les soumettre au groupe. Et ce sont une vingtaine de courts métrages qui ont ainsi ouvert les séances de projections de Comptoir du Doc tout au long de la saison.
En termes de plaisir, du côté des programmateurs comme des spectateurs, le constat est positif. Les deux initiatrices ont constaté que « les spectateurs réguliers des projections du dimanche aux Champs libres de Rennes appréciaient beaucoup. Ils attendaient la surprise d’avant le film. Et puis, les gens peuvent détester ou adorer, être bousculés ou dubitatifs, c’est un court, donc on peut expérimenter davantage sans que le public ne prenne cela pour de la provocation ».
Pourtant, le bilan de cette première année n’est pas si simple. Emmanuelle constate une réelle difficulté à trouver des oeuvres intéressantes. Restant ferme sur la contrainte de temps (dépasser les 10 minutes mettrait en péril l’équilibre de la séance), elle a visionné de nombreux films difficilement diffusables : certaines réalisations d’atelier valent davantage pour l’expérience que pour le résultat, et les films produits sont très rares dans ce format. Conséquence probable du peu de place accordée au court métrage documentaire en télévision, mais aussi en festivals.
Malgré cette difficulté majeure, l’association décide en septembre 2010 de maintenir le groupe de programmation pour la nouvelle saison. Et pour aller plus loin, Emmanuelle propose également une ou deux séances dans l’année consacrées exclusivement au court métrage. Une option qui permettra d’écarter la contrainte de temps et de diffuser des films de plus de 10 minutes repérés lors des visionnages.
Comment, alors, qualifier ce bilan ? Mitigé ou prometteur ? En préparant le Mois du Film Documentaire, les organisateurs ont eu la surprise de voir quelques lieux partenaires s’emparer avec enthousiasme de la proposition de programme de courts expérimentée par le Comptoir. Lison Lissilour, responsable de la Bibliothèque Municipale du Rheu, raconte avoir été séduite par l’idée : « Nous avons un fond DVD en documentaire riche et peu connu. C’est la première fois que nous participons au Mois du Documentaire et nous pensons que le court métrage peut être un bon moyen d’attirer notre public. Et puis, il y a une belle liberté dans ces films. Pour nous, c’est un début ! ». En partenariat avec l’Espace Jeunesse du Rheu, une séance est programmée le 2 novembre, et sera aussi l’occasion d’un travail d’animation avec les ados de la commune.
L’initiative de Comptoir du doc semble donc susceptible d’ouvrir des voies à certains programmateurs et de toucher de nouveaux publics. Pourtant, comme le dit Emmanuelle Lacosse, « si le court métrage est un passage obligé en fiction, il n’existe presque plus dans le parcours des documentaristes. Il y a quelques années, Pialat, Resnais, Varda, les Frères Maysles et bien d’autres y faisaient leurs premières expériences ».
Rêvons un peu, et imaginons que la « belle liberté » du court documentaire retrouve une place, au-delà du film d’école et de la fragilité de l’auto-production…
Céline Dréan

Séances courts métrages programmées dans le cadre du Mois du Film documentaire 2010 :
Espace Jeunesse de Le Rheu / 2 novembre, 18h
Maison d’arrêt de St Malo / 3 novembre (séance non publique)
Prison des femmes de Rennes / 17 novembre (séance non publique)
L’Antre-2 Café, Rennes / 25 novembre, 18h30

Image extraite de Peau neuve de Clara Elalouf / France / 13′ / 2008 (c) Sacrebleu Production