Six mois après la réforme du Fonds d’Aide à l’Innovation Audiovisuelle à l’œuvre depuis le début de l’année, le nombre de demandes afflue auprès du CNC. Analyse du renforcement des dispositifs d’aides à l’écriture et au développement et de leurs nouvelles modalités.

Depuis sa mise en place, le Fonds d’aide à l’Innovation vise à « contribuer au financement de la création d’œuvres audiovisuelles appartenant aux genres de la fiction, de l’animation et du documentaire de création, qui présentent un caractère innovant ». Un dispositif très prisé qui aide les auteurs ou les producteurs dans les phases d’écriture et de développement.

En 2008, une première modification du fonds d’aide avait été apportée avec le lancement, à titre expérimental, de l’aide au développement renforcé destinée à soutenir le documentaire de création dans sa phase de recherche de partenaires, comprenez diffuseurs. Le CNC précise que « l’aide au développement renforcé soutient un nombre limité de projets, les projets les plus créatifs et les plus singuliers qui, pour rencontrer l’adhésion de partenaires financiers, ont besoin d’aller au-delà du stade du scénario ». Avec un montant moyen de 60 000 €, cette aide permet de financer un premier tournage et un pré-montage. Un réel soutien sur une phase délicate et d’autant plus ardue pour ces œuvres atypiques et ambitieuses.

La réforme a permis de pérenniser cette aide avec une dotation supplémentaire de 700 000 euros en 2013 réservée à l’aide au développement côté documentaire. Une satisfaction pour Valentine Roulet, responsable du Service de la création qui administre ce fonds. Elle précise, par ailleurs, que « les projets affluent, plus de 500 demandes d’aides à l’écriture en six mois, là où nous avions totalisé 600 projets en 2012 ». Depuis 2008, vingt-cinq films ont obtenu l’aide au développement renforcé, mais le CNC constate que le rendez-vous avec les diffuseurs nationaux n’en est pas encore gagné et c’est bien l’un des points à l’origine de la réforme : la diversité des écritures documentaires peine à trouver une place sur des médias télévisuels alors que les salles accueillent davantage de longs métrages documentaires. C’est donc l’autre point fondamental de la réforme concernant le genre documentaire : permettre une transversalité des aides en ouvrant le fonds aux œuvres cinématographiques.

La volonté de changer les règles s’appuie bien sur les constats des professionnels. Un des moteurs de la réforme pour la fiction est le rapport de la mission Chevalier, (étude sur la fiction française confiée en 2010 à Pierre Chevalier, Sylvie Pialat et Franck Philippon, ndlr) dont le sous-titre « Fiction française : le défi de l’écriture et du développement » annonçait la couleur. Le rapport démontrait des manques sur la période de développement, il convenait de modifier les formes de soutien pour être au plus près des besoins du secteur. Pour Alice Delalande, responsable pour les genres Fiction et Animation du Fonds d’aide à l’Innovation, « l’enjeu, notamment en fiction, repose sur notre capacité à renouveler le format sériel pour que les séries de création originale française soient plus créatives, plus efficaces, plus pérennes, plus diversifiées. C’est pourquoi la première phase de conception est absolument déterminante et mérite un soin particulier ». Et elle constate : « il n’y avait pas d’aide pour développer un tout premier état de projet, et la nouvelle aide au concept instituée par la réforme se veut un soutien très en amont de la création qui permet de prendre le temps de consolider l’essence même d’une série. »

Des aides cumulables

Quatre aides co-existent à présent pour la fiction et l’animation : cette aide au concept, première étape qui vise à aboutir à une version formalisée du projet ; une aide à l’écriture pour des projets plus élaborés avec un synopsis, une pré-bible, un concept clair et abouti ; une aide au développement destinée à encourager la prise de risques de ceux qui accompagnent les projets et qui peut donc inclure l’apport d’un diffuseur dans cette phase de développement ; et un autre nouvel échelon, l’aide à la réécriture avec un accompagnant. Cette demande de soutien est moins ouverte car elle intervient à une étape assez avancée du projet qui doit s’appuyer une première version dialoguée, « et la demande de réécriture doit s’appuyer sur un diagnostic précis du projet et sur une volonté argumentée de mettre en place de nouveaux axes d’écriture relatifs à un format ou à un marché spécifique. »
Deux des trois aides destinées aux auteurs sont cumulables pour un même projet, – toutes les combinaisons étant possibles -, et elles peuvent également se compléter de l’aide au développement. L’objectif du dispositif et de la complémentarité des aides est bien de faire en sorte que le projet gagne « en maturité, en solidité, renforce ses chances d’exister ». Et si l’objectif de la réforme porte sur les aides en amont et les aides à la création, Alice Delalande ajoute que « cela co-existe avec la volonté de renforcer l’accompagnement des projets ». Avec la nomination de Frédéric Krivine (scénariste, réalisateur et producteur pour la télévision, créateur d’Un village Français et de PJ notamment) à la présidence de la commission Fiction du fonds d’aide, le travail de communication autour des nouvelles aides et de la philosophie du dispositif a été facilité. Par ailleurs, les responsables des services se déplacent sur les festivals à la rencontre des professionnels. Valentine Roulet était présente à Doc Ouest en 2012, Alice Delalande au Festival national du film d’animation de Bruz. « Le conseil fait partie de nos missions, nous devons aider les porteurs de projets à avoir les meilleures chances de convaincre les commissions », précise Alice Delalande, rappelant à tous qu’elle prend, dans la mesure du possible, le temps d’accompagner les demandes en amont et de faire des retours sur les commissions, « pour repréciser les critères d’évaluation, donner des éléments pour savoir dans quelles perspectives travailler. »

Les effets directs de ces changements ont été rapidement appréciés. Alice Delalande se réjouit que les « aides soient bien identifiées avec une visibilité des critères qui semble meilleure et une multiplication par trois du nombre de projets déposés. C’est un premier signal fort d’attractivité du dispositif. On a aussi remarqué qu’on touche des publics différents : davantage d’auteurs et de professionnels aguerris et l’ensemble des publics concernés par l’écriture avec des gens qui viennent d’autres secteurs, du roman, de la bande dessinée, du théâtre, du cinéma et du documentaire. »

Bien sûr, il est encore trop tôt pour faire le bilan de ces nouvelles aides et notamment apprécier leur impact sur la création. Sept mois d’application pendant lesquels il n’y a parfois eu qu’une seule commission dans chaque genre depuis la parution du décret ne sont pas suffisants pour prendre la mesure concrète des conséquences de la réforme.

Parallèlement, le CNC a annoncé d’autres réformes du soutien à la production de documentaire visant « plus d’équité dans la répartition du soutien en valorisant les œuvres les plus ambitieuses ». Elles devraient entrer en vigueur début 2014. Nous y renviendrons dans un prochain article. Pour l’heure, les discussions engagées avec des professionnels autour de différentes propositions faites par le CNC sont en cours. Souhaitons que la coexistence de ces nouveaux soutiens et d’une réflexion commune parvienne à soutenir la création dans sa richesse et sa diversité.

Elodie Sonnefraud

Photo : JASMINE d’Alain Ughetto / 2013 / 70’/ Les Films du Tambour de Soie – Mouvement. Film soutenu par le CNC au titre de l’aide au développement renforcé. Il sera présenté lors de la prochaine édition de Doc Ouest.
Contacts CNC – Fonds d’aide à l’innovation audiovisuelle
Documentaire de création
Direction de la création, des territoires et des publics/Service de la Création
Amélie Benassayag : amelie.benassayag@cnc.fr
Michèle Bergevin : michele.bergevin@cnc.fr
Fiction et Animation
Direction de l’audiovisuel et de la création numérique
Alice Delalande : alice.delalande@cnc.fr
Sophie Sartori : sophie.sartori@cnc.fr