Une exposition dans le Finistère et un acteur à Rennes. Deux occasions d’évoquer un film qui a marqué la production bretonne des années 90.

Ce matin, petit exercice routinier. Je lis les quelques annonces reçues cette semaine à Films en Bretagne et je survole la presse régionale pour chercher ce qui pourrait nourrir un billet pour le site internet. Deux sujets retiennent mon attention : le château de Kerjean annonce une exposition intitulée La Bretagne fait son cinéma et Jean Reno est de passage à Rennes pour la promotion de son dernier film, L’Immortel. Mon intérêt pour l’interprète de Godzilla ou des Visiteurs pourrait surprendre, surtout dans un espace consacré à la chose audiovisuelle bretonne. Et pourtant, cette exposition et cet acteur ont un point en commun.
On a tendance à l’oublier, mais en 1992 Jean Reno a tourné à Rennes, aux côtés d’Anémone et sous la direction de Christian Lejalé, l’un des rares longs métrages de fiction d’initiative bretonne que l’on peut compter depuis que des cinéastes ont posé des caméras hors des studios. Et Loulou Graffiti est un film symbolique dans la carrière de Reno. C’est l’une des premières fois où celui qui compte déjà plus de dix ans de carrière et des collaborations avec Raoul Ruiz, Costa-Gavras, Bertrand Blier, Pierre Jolivet ou Luc Besson, incarne un premier rôle. Le film, tourné entre Paris et Rennes, raconte la drôle d’aventure d’un homme et d’une femme qu’un petit loulou de banlieue, Loulou Graffiti, essaye de réunir alors qu’ils ne sont pas faits l’un pour l’autre. Elle invente, lui cambriole. Quant à Loulou Graffiti, il est en cavale…
Produit par Xavier Gélin, coproduit par Imagine 35 la société de Christian Lejalé, distribué par Gaumont, c’est le premier long métrage d’un réalisateur rennais qui a fait toutes ses gammes en Bretagne. Et la liste technique compte quelques futures « grosses pointures » : le jeune compositeur rennais Yvan Cassar signe la musique (il a depuis travaillé avec Nougaro, Hallyday, Aznavour ou JJ Goldman) et Laurent Dailland est à l’image (ce chef opérateur a notamment dans sa filmographie Place Vendôme, Le Goût des autres ou le court métrage Nue récemment évoqué sur ce site).
Étrangement, Loulou Graffiti n’a pas trouvé sa place dans l’incontournable livre de Tangui Perron Le Cinéma en Bretagne (Editions Palantines). Ce film me semble pourtant une production importante dans l’espoir qu’elle portait, au début des années 90, de voir se développer dans la région une filière cinématographique à même de porter des projets d’envergure nationale, inscrits dans une économie post cinéma militant des années 70. Loulou Graffiti et Christian Lejalé, ont, eux aussi, représenté cette Bretagne qui fait du cinéma. Et si cette comédie familiale n’a pas rencontré le succès de certains films qui feront par la suite appel à Jean Reno, elle a été vendue dans 13 pays et a connu des diffusions régulières sur la plupart des chaînes françaises jusqu’en 2006.
JFLC
PS : Christian Lejalé vient de publier Bourgeon (Editions Imagine & Co), un très beau (et très gros) livre consacré à l’auteur de la série de bandes dessinées Les Passagers du vent. Le réalisateur connaît le dessinateur depuis les années 80 et lui a consacré, au fil du temps, trois films documentaires.
Leur relation s’est également concrétisée en 1991 par un travail en commun sur un projet de long métrage. François Bourgeon dessinera un storyboard très complet pour Docker, un film qui ne verra pas les écrans. Ce storyboard, de grande qualité, est édité dans le livre écrit par Lejalé.

Illustration : détail de l’affiche de Loulou Graffiti © Imagine 35