AUTEUR DE VUE 2012, grand-messe de l’audiovisuel organisée par la Scam, s’est tenue le 24 septembre, à quelques jours du bouclage du budget de l’Etat. Objectif : penser l’audiovisuel de demain.

C’est dans la trouée des Halles au cœur de la forêt de Lutèce, que se sont rassemblés tous ceux qui comptent dans le monde de la création audiovisuelle. Impressionnante concentration de directeurs, présidents, anciens ministres… Costume-cravate pour les managers, sans cravate pour dirigeants-artistes-dans-l’âme, veste élimée et jeans pour les auteurs. Et des mots… Un flot d’interventions venues de l’estrade, alternant alarmisme et espérance, retours sur le passé et prospectives.
La surprise du jour fut l’irruption en plein débat du groupe d’action féministe La Barbe, qui tenait à féliciter la Scam du choix « sans faute » de ses intervenants, dont 26 sur 30 étaient des hommes. Des femmes flanquées de postiches saluèrent « tous ces grands penseurs qui nous pénètrent de leur intelligence, car le PAF parfait ne se construit pas au pif. Aux grands hommes les chefs d’œuvres, aux faibles femmes les bonnes œuvres. Vous êtes épatants, tenez bon ! Préservez cet entre soi viril ! La testostérone est déterminante pour la création audiovisuelle. » Et de rappeler à un auditoire riant jaune le pourcentage de présences féminines dans les conseils d’administration et autres postes de direction.

Nous aurions pu en faire autant pour dénoncer l’absence de nos thèmes favoris dans les propos énoncés depuis la scène. Si le mot « région » fut bien prononcé, ce fut pour dire : « allez dans les régions, car là-bas ils ont encore de l’argent ». Quant à « décentralisation », le mot ne parvint jamais à mes oreilles. L’audiovisuel de demain sera-t-il donc toujours viril et concentré dans la capitale ?

Une journée entière donc, pour dire et redire combien la conjoncture est mauvaise et les moyens insuffisants. Comme à Doc’Ouest, on s’est renvoyé la balle sur la définition d’une œuvre de création et France Télévisions, convaincue de faire du film d’auteur, a refusé de porter le chapeau. Beaucoup de regards se sont alors tournés vers les chaînes privées et les fournisseurs d’internet, moins représentés. Pourquoi ne respectent-ils pas les quotas ? Pourquoi diantre ne financent-ils pas la création ? Nous reviendrons plus sérieusement sur ces questions, car dans le lot, quelques interventions furent lumineuses.

Vint enfin la ministre de la Culture – Aurélie Filippetti – toute de noir vêtue , jupe plissée à mi-cuisse, sourire légendaire au vestiaire. Tendue, contrainte dans un texte assez technique, avec pour seule envolée un appel à la solidarité, les artistes devant se joindre à l’effort demandé à la nation, la belle dut repasser en revue les millions envolés et les couleuvres à avaler avant que ne revienne la croissance. Un petit chaperon rouge, sa maigre corbeille budgétaire sous le bras, montrant aux loups affamés l’horizon radieux d’où émergeront les lendemains qui chantent, c’est ainsi que m’apparut Aurélie, soudain si petite, et nous, hurlant silencieusement sous la lune qui maintenant brillait au-dessus de la trouée des Halles, au cœur de la forêt de Lutèce.

Serge Steyer