Le 20 mai à 20h35, France Ô diffuse un portrait inédit du navigateur réalisé par Philippe Abalan.

Pilote de chasse pendant la première Guerre Mondiale, dandy lavalois passionné de sport, Alain Gerbault décide de changer de vie en 1921 et achète un vieux voilier de course : le Firecrest. C’est avec ce bateau qu’il réalise, en 1923, la première traversée de l’Atlantique en solitaire d’est en ouest.
Passionné par la Polynésie, il passe les neuf dernières années de sa vie (il meurt en 1941) dans le Pacifique où il apprend les langues océaniennes et s’insurge contre la colonisation européenne. C’est sur les traces de ce personnage hors du commun que Philippe Abalan et la société brestoise Abers Images sont partis le temps d’un documentaire de 52 minutes. Décryptage de cette coproduction brito-polynésienne avec le producteur Daniel Laclavière.
Comment est né ce portrait ?
Daniel Laclavière : C’est un film que nous avons développé, Philippe et moi, dans la continuité de deux autres portraits de navigateurs réalisés en 2002 (Capitaine Tabarly) et 2004 (Alain Colas, le marin magicien). Comme les définit Philippe, ce sont des portraits d’avant la voile «marketée». Nous nous étions lancés dans un nouveau projet consacré à Bernard Moitessier, un contemporain de Tabarly qui, lorsqu’il a gagné la première course autour du monde en solitaire et sans escale, ne s’est pas arrêté et a continué sa route jusqu’en Polynésie ! La victoire était accessoire pour lui. Mais des problèmes d’accès aux images nous ont empêché d’aboutir dans ce projet.
Nous avons alors pensé à Alain Gerbault qui était, quelque part, le « père » de tous ces marins. Philippe, comme moi, connaissions Gerbault à travers ses livres. C’était un aventurier qui nous avait fait rêver.
Le film nous fait découvrir un véritable personnage de fiction et pourtant c’est le premier film qui lui est consacré. Comment expliquez-vous cet intérêt tardif ?
Je crois que beaucoup d’auteurs ou de producteurs pensaient que la matière iconographique était faible et cela a pu freiner les ardeurs des documentaristes. Nous avons pu avoir accès d’une part au fonds photo de l’Espace Alain Gerbault de Laval – où nous avons découvert que le navigateur avait été abondamment photographié – et d’autre part aux archives de l’ICA (archives de Polynésie).
Il faut aussi reconnaître que la notoriété de Gerbault est, aujourd’hui, relative et que cela a sûrement limité l’intérêt des diffuseurs.
Est-ce qu’il a été difficile de trouver un diffuseur pour ce film ?
Oui. France 3 Ouest qui nous avait accompagné sur les deux précédents portraits n’a pas été inspiré par Gerbault. La situation a pu se débloquer grâce à une aide au développement de la Région Bretagne. Avec ce soutien, nous sommes partis en repérages en Polynésie et j’avais assuré au réalisateur que nous reviendrions avec un engagement de RFO.
Sur place, j’ai fait le siège de la chaîne polynésienne et rencontré Xavier Lambert qui était directeur d’antenne en 2008. Et RFO s’est engagée à coproduire le film. Cet engagement était essentiel car il nous paraissait difficile, pour des raisons de coût, de déplacer une équipe de Bretagne vers la Polynésie. Autre contrainte : sur place, les distances entre les différents lieux de tournage (par exemple, les Marquises et Bora Bora) sont conséquentes. Le soutien technique et les équipes apportés par la chaîne étaient donc cruciaux.
Vous avez également travaillé avec une coproduction locale…
Le film a été coproduit par la société Bleu Lagon Productions. Et cette coproduction nous a donné accès au fonds audiovisuel polynésien qui fonctionne, globalement, comme le fonds d’aide à la création de la Région Bretagne. Ce fonds est alimenté par le gouvernement polynésien via un fonds de soutien aux PME. La Polynésie a donc soutenu le film à hauteur de 21 000 €.
Quels retours de ces collaborations avec des partenaires polynésiens ?
Sans eux, le film n’existerait pas. Mais il faut aussi constater que nous avons rencontré des difficultés à travailler avec des équipes qui n’ont pas vraiment de culture du documentaire car RFO produit principalement des reportages et des magazines.
Pour la post-production, nous avons trouvé une forme d’équilibre en maquettant le film à Papeete pendant trois semaines puis en achevant le montage à Brest. Le mixage s’est fait à Malakoff avec les moyens de RFO.
Les relations de Gerbault avec les Polynésiens ont été difficiles à la fin de sa vie (Gerbault ayant choisi Vichy en 1940, il devra fuir la Polynésie française qui a rallié la France libre). Comment le film a-t-il été accueilli là-bas ?
Le film n’a pas encore été montré là-bas. Il y a une envie locale de « revisiter » leur histoire et les rapports complexes entretenus avec la métropole. Ce film peut servir à dépasser le mythe de l’Eden polynésien. Sa prochaine diffusion sur le territoire permettra de savoir comment le film est reçu.
Comment envisagez-vous l’avenir de cette production ?
C’est le premier film sur Alain Gerbault et, pour moi qui apprécie la production d’oeuvres patrimoniales, c’est une vraie satisfaction. Le film a été présenté au dernier MIPDOC et nous allons maintenant réaliser une version anglaise.
Propos recueillis par Jean-François Le Corre

Alain Gerbault, le courage de fuir de Philippe Abalan
documentaire / 52′ / 2009
une coproduction Abers Images / Bleu Lagon Productions / RFO Polynésie