AGM Factory mise sur la polyvalence


Sur les écrans en avril, sortiront trois films passés entre les mains d’AGM Factory : Quartet de Dustin Hoffman, Promised Land de Gus Van Sant et Les lendemains de Bénédicte Pagnot. Voilà une belle occasion de faire un bilan – forcément provisoire – de l’activité de ce studio de post-production qui a quitté Montlouis près de Tours, il y a près d’un an et demi, pour s’installer à Rennes.

Depuis son implantation dans la capitale bretonne, la société dirigée par Yann Legay est montée en puissance. A côté du doublage qui est son cœur de métier, AGM Factory a développé son activité de post-production. Proposer une gamme complète de prestations était un des enjeux de ce déménagement. En témoignent deux longs métrages intégralement post-produits au sein du studio rennais : Crawl de Hervé Lasgouttes sorti en janvier dernier et Les lendemains de Bénédicte Pagnot qu’on découvrira sur les écrans à partir du 17 avril.

« Cette expérience va nous permettre de légitimer notre savoir-faire en matière de réalisation technique. Malgré les budgets restreints de ces films, nous avons travaillé dans les règles de l’art sans minimiser aucune étape de la fabrication », précise Yann Legay. Le responsable d’AGM espère convaincre de plus en plus de productions d’ici et d’ailleurs de venir post-produire leurs films chez lui. « Mon réseau est moins établi que celui du doublage et pour l’instant, c’est encore difficile. Mais c’est surtout cette activité que je cherche à développer ». L’exemple des ‘’Lendemains’’ (.Mille et Une Films.), entièrement fabriqué en Bretagne, reste pour l’instant atypique et pour attirer des productions extérieures, « il faut proposer des prix attractifs et avoir des références ».

Ces références (1), AGM les engrange petit à petit tout en poursuivant son activité principale. En 2012, le studio a doublé une quarantaine de téléfilms et une dizaine de longs métrages pour la salle. « Nous progressons, même si le taux de remplissage de nos studios n’est que de 30%, ce qui nous donne une marge de manœuvre ». Signe positif : de nouveaux distributeurs font appel à AGM, dont Pretty Pictures pour qui la société rennaise vient d’achever le doublage de La chasse de Thomas Vinterberg, de Compliance de Craig Zobel et de Wadjda de Haifaa-al-Mansour.

Et AGM peut aussi compter sur les fidèles, parmi lesquels Pyramide et Mars Distribution. « Pyramide nous confie toutes ses versions françaises parce qu’il apprécie le jeu des comédiens bretons ». Et pour Yann qui dirige tous les doublages dont il lui arrive même d’écrire les VF, il est « très satisfaisant de pouvoir diriger des comédiens  »neufs’’. Même si j’éprouve des difficultés en termes d’efficacité avec la plupart des comédiens formés récemment, – et c’est bien normal -, j’ai surtout du plaisir à entendre un jeu d’acteur beaucoup plus frais qui me permet d’ouvrir l’interprétation loin des clichés habituels. Et c’est cette couleur qui est de plus en plus appréciée par nos clients. »
Il vous faudra aller voir Quartet, le premier long métrage de Dustin Hoffman (en salles le 3 avril), ou Promised Land de Gus Van Sant (sortie le 17 avril), dans leur version française, pour goûter le travail des comédiens bretons. La présence d’AGM en Bretagne a permis à cinquante d’entre eux de se former au doublage. Une bonne vingtaine travaille régulièrement avec le studio. « Il en faudrait une soixantaine pour compléter le casting et avoir tous les profils de voix. Nous allons passer à des formations de niveau 2 pour que les comédiens puissent accéder aux premiers rôles. D’ores et déjà, la diversité de nos doublages qui vont du téléachat aux films d’auteurs en passant par les films de zombies leur offre une large palette de jeu et un matériel intéressant pour progresser ».
Une concurrence très vive
Dans le secteur très concurrentiel du doublage, réussir à attirer de nouveaux clients, comme le fait AGM, est un gage de savoir-faire. « En peu de temps, le marché s’est effondré en termes de prix. A Paris, le doublage d’un téléfilm coûte 20 000 euros. A Bruxelles, 13 000 euros et à Barcelone, 8000 euros. La Belgique nous fait une concurrence particulièrement déloyale avec son crédit d’impôt. Mais quand on tire sur les prix, cela finit par influer sur la qualité du travail. Pretty Pictures, par exemple, qui avait l’habitude de travailler à Bruxelles, en est revenu ». En matière de doublage, Yann Legay veut pouvoir revendiquer la  »patte » d’AGM qui couvre l’adaptation, la direction artistique et le mixage.
Les vastes locaux d’AGM Factory accueillent d’ailleurs tous les équipements nécessaires non seulement au doublage, mais aussi au sous-titrage, bruitage, montage, mixage, étalonnage, labo. Bref, toute la chaîne de la post-production, ce qui fait du lieu une belle exception régionale. AGM emploie aujourd’hui huit permanents quand l’effectif de départ se réduisait à deux personnes. Et, fierté de Yann, la société a totalisé 780 cachets d’intermittents l’an dernier. « C’est en faisant travailler les professionnels bretons qu’on pourra développer la filière. AGM continuera à jouer sur la polyvalence que constituent le doublage et la post-production car c’est grâce à cela que nous tenons et qu’il y a ici une activité permanente ».
Et s’il est optimiste sur l’avenir, la patron d’AGM plaide pour une consolidation de la filière dont il discute régulièrement avec les collectivités territoriales. « Pas facile quand vous êtes le seul dans votre secteur sur le territoire régional ». C’est pourquoi il explore aussi d’autres pistes : « Par exemple, la co-production déléguée ou le recours à des financements privés. Dans le contexte économique actuel, on ne pourra pas faire appel qu’aux financements publics. Mais il ne faut pas perdre de temps pour trouver des solutions car le marché, lui, évolue très vite ».
Nathalie Marcault
Photo : Yann Legay dans un des studios de doublage d’AGM Factory
(1) Parmi les autres références récentes d’AGM en post-production : Nevermore de Paul Manate, La Passagère de Amaury Brumauld, Vies métalliques de Henry Colomer, trois films produits par A Gauche En Montant Production ; Ricardo Cavallo de Isabelle Rèbre (A Gauche En Montant Production et Senso Films) ; Au fil de l’eau de Florence Miailhe, Élodie Bouëdec et Mathilde Philippon (Vivement Lundi !, La Fabrique, les Films de l’Arlequin), Vos désirs sont des échos ou des egos ? de Gabrielle Gerll (Real Factory).