A l’âge des possibles


Après un bilan de la formation professionnelle, un pas de côté vers la formation initiale ! Des sections cinéma au lycée jusqu’au doctorat, en passant par des spécialisations aux métiers de l’image et du son, du montage ou à la gestion de production, les formations, publiques comme privées, ne manquent pas en Bretagne. Tour de table des possibles, focus sur un nouveau master qui ouvre en septembre prochain à Rennes 2 et premiers pas de jeunes professionnels.

La première marche peut se franchir dès le lycée avec les options Cinéma et AudioVisuel proposées par douze d’établissements sur le territoire breton (1). Ce cursus permet aux élèves de se construire une culture cinématographique. Ils participent à des festivals de cinéma, rencontrent des professionnels, commencent à se familiariser avec la technique. Après le Bac, l’offre est importante, en enseignement public comme privé. En classe préparatoire de Lettres comme celle du lycée rennais Chateaubriand proposant une option cinéma et audiovisuel, ou à l’université, les facultés rennaises et brestoises offrant des cursus spécialisés dans le cinéma, menant pour certaines jusqu’au doctorat.

Cursus théoriques et pratiques

L’Université de Rennes 2, pionnière sur ce terrain, accueille une centaine de nouveaux étudiants annuellement dans son département Arts du Spectacle pour des études cinématographiques ou théâtrales. En parallèle, elle a fondé, il y dix déjà, la Licence professionnelle TAIS-CIAN qui vise une double compétence culturelle et technologique. La particularité de cette proposition est d’être dispensée à la fois sur le campus de Saint-Brieuc et à distance dans le cadre du Campus Numérique (cours filmés, classe virtuelle, plateforme, etc.).

L’Université de Rennes 1 est aussi présente sur le secteur : elle forme depuis une douzaine d’années une vingtaine d’étudiants aux métiers de la production avec la Licence Pro GPAME. Dans le Finistère, l’Université de Bretagne Occidentale enseigne les techniques de l’image et du son en trois ans, un an de Licence et deux ans de Master. Pour compléter la liste, citons encore le BTS Métiers de l’audiovisuel – Option Montage et Post-Production – qui s’est ouvert à Lesneven en septembre 2013. Et bien sûr l’ESRA dont l’antenne bretonne est implantée à Rennes depuis 1999. Cette formation privée aux métiers du cinéma et de la télévision dure trois ans, avec un cycle pluridisciplinaire de deux ans et une 3ème année de spécialisation.

Points communs de ces formations  : des contenus alliant théorie et pratique, des conférences et des ateliers techniques encadrés par des professionnels. Les étudiants y font leurs premières expériences de réalisation, de montage, disposent d’un parc de matériel professionnel, parfois de studios comme à Brest. La plupart imposent des stages, parfois en alternance comme avec le BTS de Lesneven. La volonté est affirmée d’être en phase avec le terrain et les évolutions technologiques.

Un nouveau Master
Cette année voit l’ouverture d’un nouveau parcours professionnalisant avec le master NUMIC proposé par l’Université de Rennes 2. NUMIC (pour NUmérique et Médias Intéractifs pour le Cinéma et l’audiovisuel) s’intéresse à l’édition et la valorisation numériques du cinéma. Son objectif est de former des éditorialistes en capacité d’apporter des contenus en lien avec le domaine. « La formation s’est construite autour du mot-clé valorisation, elle vise à aborder tous les corps de métiers depuis la valorisation d’archives jusqu’à celle d’un film qui vient de sortir, » précise Grégory Wallet, enseignant à Rennes 2, co-créateur du master. Il s’agit pour les futurs étudiants de se doter de connaissances pluridisciplinaires, de se familiariser avec la terminologie des outils numériques pour être en capacité à travailler au sein d’équipes pluridisciplinaires composées de rédacteurs, développeurs, webmasters, chef de projets… « On ne formera ni des techniciens du web, ni des réalisateurs ou producteurs, mais des professionnels en mesure de mettre en avant une œuvre ou un cinéaste, par l’intermédiaire de sites dédiés, de dossiers de presse numériques, d’exposition virtuelle, de making of… » La formation a déjà tissé un réseau de partenaires institutionnels et privés, constitué un vivier de professionnels pour dispenser des cours et/ou mettre à disposition de la matière pour expérimenter. « En parallèle des cours théoriques, nous souhaitons proposer des enseignements variés mais aussi s’adapter au profil des projets personnels que les étudiants vont développer pendant l’année. Ces projets pourront être leur proposition ou s’appuyer sur celles faites par les professionnels associés au master. Les fonds d’archives partenaires mettront à disposition des œuvres préexistantes, des sociétés de production des œuvres en devenir. Comme autant de matières à partir desquels les étudiants pourront travailler en ateliers. »
Une formation qui paraît pertinente dans une région où la production d’œuvres patrimoniales est forte, et dans un contexte où la visibilité des films est un chantier prépondérant. Le Master NUMIC invite les candidats se faire connaître depuis le 28 avril et jusqu’au 27 mai avant sa première rentrée en septembre prochain à l’Université de Rennes 2.

Première année professionnelle

A l’issue de ces différentes formations, de nombreux jeunes gens font leur entrée sur le marché du travail, avec des profils spécialisés ou parfois encore « en devenir ».
Sans dresser un portrait-type de l’ex-étudiant breton en cinéma, nous avons voulu rapporter le parcours de trois d’entre eux qui ont su trouver leur place sur les plateaux de tournage, Jana Noel et Simon Penhouët, licenciés en Arts du Spectacles à Rennes 2, et Florian Sainson, diplômé de l’ESRA.

Les trois jeunes professionnels ont choisi des métiers techniques. Jana est assistante-opérateur prise de vue, Simon, machiniste et Florian, électricien. Leur études, et les stages qu’ils ont multipliés ensuite, ne sont pas étrangers à ces orientations.

Des parcours prolifiques et inspirants
Un choix qui s’est fait au fil du temps pour la jeune femme. « J’avais envie de cinéma depuis longtemps, mais cela demeurait assez flou. Je pensais d’abord aux métiers visibles dans les médias, réalisateur, scénariste, acteur. Pendant mes études, j’ai découvert les autres métiers, et mon envie s’est affinée. » Une maturation qui n’est pas étrangère à sa rencontre avec l’équipe du film de Pascale Breton, implantée à Rennes 2 pendant de longues semaines. Même chose pour Simon. Tous deux ont eu la chance de faire partie des « happy few » associés au tournage sur le campus de Villejean. Simon se rappelle : « Avant ce tournage, je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire. C’était important de pouvoir toucher un peu à tout. J’ai découvert la machinerie aux côtés de mon « chef » sur ce tournage, le technicien breton Eric Fontenelle. Les trois années de Licence m’ont apporté une formation intellectuelle et culturelle et ce stage une profession. »

Une expérience forte, déterminante même, « on était entourés de professionnels qui pouvaient répondre à nos questions avec des réponses concrètes. Y compris pour la suite à donner à nos études, » rajoute Jana. « J’ai voulu ensuite continuer mes études avec une spécialisation technique et tenter le concours d’entrée à l’école Louis Lumière (2). Mais je ne me sentais pas assez solide en physique notamment. » Jana suit des cours de remise à niveau scientifique dispensés par l’Université de Rennes 1, entourée d’étudiants en difficulté pendant leur cursus scientifique ou en réorientation. « Je me suis sentie vite dépassée, c’était dur. J’ai tenté le concours et j’ai échoué et comme il fallait attendre un an avant de le repasser, j’ai préféré me lancer plutôt qu’attendre. A l’époque de Mémoire vive, les professionnels nous avaient tous dit, « faites des stages ! ». J’ai suivi leur conseil. » D’abord deux stages chez des prestataires techniques parisiens, « pour connaître le matériel plus finement, manipuler les caméras, les accessoires, poser des questions aux techniciens, assister aux tests d’avant tournage. C’était super utile ! », puis une poignée sur des tournages en Bretagne. « Les sources d’informations ne manquent pas : les annonces d’Accueil de Tournage en Bretagne, des castings relayés sur les réseaux sociaux. Ensuite, il faut chercher qui produit et postuler. » En un an, Jana a multiplié les expériences en tant que stagiaire caméra, y compris en long-métrage et téléfilm, le dernier en date était sur le tournage à Rennes de Taularde d’Audrey Estrougo.
Elle travaille aujourd’hui sur un long métrage tourné à Lyon. « J’ai été rappelée par le chef opérateur de Taularde et, cette fois je suis embauchée pendant 8 semaines en tant que troisième assistante opératrice. »

Sur le terrain

Le parcours de Simon est un peu différent. « J’ai cherché à pratiquer dès la fin de la Licence. Et j’ai démarré sur des films d’étudiants : les films de fin d’année de copains qui étaient dans des écoles privées à Paris et ceux réalisés à la fac de Rennes. » A la suite de ce qu’il appelle « une auto-formation », il a rapidement travaillé sur des tournages professionnels. « Ma grande chance a été de rencontrer Eric Fontenelle. Il m’a poussé dans cette voie, m’a donné confiance. Il y avait de la place pour des nouveaux venus en machinerie en Bretagne, selon lui. Eric est beaucoup contacté pour des courts-métrages, et souvent il renvoie les producteurs vers moi, c’est comme ça que j’ai eu mes premières expériences de chef machiniste. Il m’appelle aussi pour compléter son équipe. » Le cv de Simon est déjà bien étoffé avec plus de quinze films au compteur, y compris des renforts sur des longs-métrages comme Crache-Coeur, West Coast ou Les chaises musicales tournés dans la région.

Valider une intuition
Florian Sainson a expérimenté plusieurs postes au cours de ses études. « A l’ESRA, on fait beaucoup de pratiques, un diaporama en première année pour composer des cadres et la lumière, des courts-métrages dès la deuxième année où l’on passe d’une équipe à l’autre et un projet plus long en troisième année. On travaille avec des caméras super 16, 35mm ou numériques. »

Après sa formation, Florian a multiplié les stages. « Je voulais continuer à pratiquer, renforcer mes compétences et c’est assez simple tant qu’on a une convention de stage et qu’on est actif dans la recherche. Je n’étais pas payé mais ça me paraissait mieux que de ne rien faire et d’attendre un hypothétique premier emploi rémunéré. Et puis ça m’a permis de travailler à des postes différents, après on ne peut plus trop faire ça… » Une période essentielle pour valider son choix de travailler avec l’équipe image en tant qu’électricien. « Ce domaine m’attire depuis le début de mes études. C’est sur les plateaux que j’ai compris combien travailler la lumière, en complémentarité avec un chef opérateur, m’intéresse, faire des propositions. » Installé à Rennes et originaire des Pays de Loire, Florian a oeuvré sur une dizaine de films dans les deux territoires, en tant que chef électricien sur des courts-métrages et électricien en renfort sur des longs-métrages. Comme Simon, sa rencontre avec un technicien breton d’expérience a compté dans son insertion professionnelle. « Enguerrand Gicquel m’a aidé à me lancer. Le réseau est essentiel, on partage les informations sur les tournages qui se préparent, nos cv circulent… Et aujourd’hui ça me permet de rester travailler en Bretagne, là où je vis, c’est un sacré confort ! »

Elodie Sonnefraud

(1) Lycée Rabelais, Saint Brieuc / Lycée Joseph Savina, Tréguier / Lycée Jean Marie Le Bris, Douarnenez / Lycée Tristan Corbière, Morlaix / Lycée de Cornouaille, Quimper / Lycée Bréquigny, Rennes / Lycée Beaumont, Redon / Lycée Saint-François Notre Dame, Lesneven / Lycée Sainte Thérèse, Quimper / Lycée Saint-Joseph, Bruz / Lycée St Martin, Rennes / Lycée Saint-Vincent la Providence, Rennes / Lycée St Louis, Lorient.
(2) Ecole nationale supérieure Louis Lumière, école publique dédiée aux métiers du cinéma, de la photographie et du son, Paris.

Photographie de Une : des étudiants de la Licence Pro GPAME à Doc Ouest @ YLM Pictures